Pour la 5ème édition de sa résidence de création, l’Archipel Butor a la chance d’accueillir à Lucinges Cécile Palusinski et Elsa Mroziewicz.
Nous leur donnons la parole pour faire connaissance :
Elsa Mroziewicz :
Artiste visuelle pluridisciplinaire, Elsa explore les liens entre traditions, savoir-faire ancestraux et innovations technologiques, créant des univers oniriques et poétiques souvent teintés d’influences mythologiques ou spirituelles. Elle a co-réalisé le projet immersif ARBRES-MONDES shortlisté à la foire internationale du livre de Bologne. Son livre pop-up géant augmenté de Baobab fait partie des finalistes du prix MEGGENDORFER FOR ARTIST BOOKS 2023 (USA) et a été exposé à la fondation Goodplanet à Paris.
Elle a aussi créé de nombreux livres illustrés et des livres d’artiste animés qui ont été exposés dans des musées, des salons et médiathèques dont à New York, à la Columbia University (Rare Book and Manuscript Library), à Prague au B1 Centre for contemporary design, ou en Italie, à la Milan Design Week. Elsa a publié plusieurs livres jeunesse chez Minedition qui ont reçu des échos enthousiastes de la part du New York Times, The Wall Street Journal, News & Observers.
Elle a réalisé des œuvres brodées sonores en réalité augmentée qui questionnent le rapport de l’homme à la nature avec l’auteure Cécile Palusinski : La Forêt Universelle, Villes flottantes lauréate de la Villa Swagatam en Inde (organisée par l’Institut français d’Inde et le MAD Salon+Lab) et lauréate de la Villa Albertine aux USA. Elle travaille actuellement sur un nouveau projet en MR : Les gardiens de l’océan.
Cécile Palusinski :
En tant qu’écrivain, elle a publié depuis 2005 plusieurs ouvrages. Depuis 6 ans, elle co-réalise des projets immersifs, NORD/SUD, édité en 2019, ARBRES-MONDES produit en 2022, finaliste du Prix Bologna Ragazzi CrossMedia Awards, La Forêt universelle en 2025 et Villes flottantes.
Lauréate de résidences internationales, dont la Villa Formose à Taïwan (2023), la Villa Albertine aux États-Unis ou la résidence de la Fondation Jan Michalski, elle trace par l’écriture les contours d’un monde habité par la poésie. Son dernier livre de photographies et de poésie, Socotra, des dragonniers et des hommes, écrit avec Benoît Palusinski, témoigne d’une écriture ancrée dans le voyage. Son recueil Pages d’arbres, illustré par Elsa Mroziewicz, entraîne également le lecteur dans une traversée des forêts du monde où se croisent récits fondateurs et résonances universelles, thèmes qu’on retrouve en filigrane dans ses écrits. Elle participe actuellement au projet Les gardiens de l’océan avec Elsa Mroziewicz.
Elle a aussi co-réalisé plusieurs projets de podcasts : Destin(s) de la Grande Région, produit par le Groupe de travail Culture du Sommet de la Grande Région ou encore le podcast de l’exposition de « La Panthère des Neiges » du photographe Vincent Munier. Elle est aussi présidente de l’association « La Plume de Paon » qui œuvre pour le développement du livre audio francophone
EM & CP :
Notre candidature s’inscrit dans une continuité naturelle de notre démarche artistique, fondée sur l’exploration des formes hybrides du livre, entre objet plastique, narration poétique et technologie immersive. La perspective de pouvoir être réunies pendant un temps long sur un même lieu a constitué une motivation essentielle : ce temps partagé est pour nous particulièrement propice à l’approfondissement de la création, au dialogue quotidien entre nos pratiques, à l’émergence de formes nouvelles et à une écriture véritablement collective.
Nous nourrissons depuis de nombreuses années une passion commune pour le livre d’artiste, que nous considérons comme un territoire d’expérimentation à part entière. Cette passion s’est incarnée dans plusieurs réalisations, tant individuelles que collectives : Elsa a développé des livres d’artiste tels que Cannes 08.09. ou encore Les 6 Tigres en Thaïlande. Ensemble, nous avons également conçu des œuvres comme Nord / Sud ou le pop-up géant du Baobab en réalité augmentée, qui ont posé les bases de notre vocabulaire commun.
La résidence de l’Archipel Butor représente en outre pour nous un lieu hautement symbolique. Elle est intimement liée à la pensée de Michel Butor, pour qui le livre était un espace ouvert, mouvant, polyphonique, traversé par les notions de voyage et de déplacement. Cette vision du livre comme territoire d’exploration résonne profondément avec notre projet Le Sacre des oiseaux, conçu lui-même comme un livre-monde, un objet rituel contemporain, un espace de passages et de correspondances entre les cultures.
Enfin, la proximité immédiate du lieu avec la nature a été un élément déterminant de notre motivation. Le rapport au vivant, aux paysages, aux rythmes naturels nourrit depuis toujours notre travail. Pouvoir créer au contact direct d’un environnement naturel constitue pour nous une source d’inspiration essentielle.
EM & CP :
L’œuvre de Michel Butor nous était familière, notamment sa conception du livre comme espace en transformation, ouvert aux croisements disciplinaires, culturels et géographiques.
Nous avons été notamment marquées par Le Temps du Japon, dans lequel Michel Butor explore le voyage non comme un simple déplacement physique, mais comme une expérience de métamorphose du regard, de déplacement des repères et de circulation entre les cultures.
Dans le cadre de nos interventions sur les créations sonores et autour du livre audio, nous citons souvent les œuvres radiophoniques de Michel Butor et René Koering, qui multiplient les évocations de lieux aux quatre coins de la planète dans une perspective écopoétique. Leur travail commun mobilise les moyens de la radio et de la musique pour faire de la littérature un art de l’espace et pour réinventer les liens entre le lieu et le langage, une démarche que nous poursuivons, à notre manière, dans nos dispositifs immersifs. Ceci a renforcé le sens de notre candidature à l’Archipel Butor.
EM & CP :
Notre collaboration artistique a débuté autour de l’album-CD L’épopée de Noé. Ce premier projet a posé les bases de notre dialogue artistique entre image, texte et contenus audio, et a ouvert la voie à une recherche commune au long cours.
Depuis, nous avons co-créé les projets Arbres-Mondes, La Forêt universelle, Villes flottantes, qui ont progressivement façonné notre langage commun à la croisée des arts visuels, de l’écriture et du sonore.
Notre collaboration s’est également déployée à travers plusieurs résidences de création en France et à l’international. Nous avons notamment travaillé ensemble dans le cadre de la Villa Albertine, aux États-Unis en 2025, ainsi qu’au Brésil en 2024, pour le développement du projet Villes flottantes, autour des enjeux liés aux océans et aux imaginaires liés à l’eau. Ces temps de résidence partagés ont été essentiels pour nourrir notre recherche, confronter nos regards à d’autres contextes culturels et inscrire nos œuvres dans une dynamique de circulation entre les territoires.
Ces expériences communes ont aussi renforcé la solidité de notre binôme artistique et la complémentarité de nos approches : l’une, plus centrée sur la matière, l’image et l’espace ; l’autre, sur la poésie, la voix et la mémoire.
EM & CP :
Nous imaginons la résidence comme un temps long, immersif et ancré dans le territoire de Lucinges, articulant création, recherche, expérimentations et médiation. Ce temps sera rythmé par des phases d’écriture poétique, de dessin, de conception plastique du livre-objet et de développement des premières séquences en réalité augmentée.
Une part essentielle de la résidence sera consacrée au travail de terrain, à travers des temps de contemplation de la nature environnante, des marches d’observation et des prises de sons dans la forêt : chants d’oiseaux, bruissements du vent, voix du vivant, matières sonores qui viendront nourrir la dimension poétique du projet. Ces enregistrements constitueront la matière première des futures compositions sonores intégrées au livre d’artiste.
Parallèlement, nous mènerons des échanges en ligne avec des spécialistes de la mythologie des oiseaux, ethnologues, chercheurs et conteurs, afin d’approfondir les dimensions symboliques, spirituelles et interculturelles des figures d’oiseaux que nous mettons en scène. Ces dialogues viendront enrichir l’écriture, les choix iconographiques et la structure narrative du Sacre des oiseaux.
Les médiations prendront la forme de rencontres avec les publics, d’ateliers autour du livre-objet, de la poésie sonore, du pop-up et de la réalité augmentée, mais aussi de temps de partage sur les liens entre création artistique, écologie, mythes et spiritualité. Nous souhaitons que la résidence soit un espace d’échange vivant, où le public puisse à la fois découvrir un processus de création en cours et expérimenter, par le sensible, notre relation au monde vivant.
EM & CP :
Le Sacre des oiseaux prend la forme d’un livre-objet sculptural inspiré du Kaavad, sanctuaire narratif portatif issu de la tradition orale indienne, utilisé par les conteurs du Rajasthan pour dérouler des récits mythologiques à travers l’ouverture successive de panneaux peints. Nous en proposons une réinterprétation contemporaine, sous la forme d’un livre pop-up à panneaux articulés, composé d’un panneau central et de volets latéraux qui s’ouvrent et se déploient dans l’espace. L’ensemble est animé par la réalité augmentée et enrichi de poésies sonores, prolongeant la manipulation physique du livre par une expérience visuelle et auditive immersive.
Chaque panneau devient une scène symbolique autonome, structurée autour d’arbres sacrés et peuplée d’oiseaux messagers, figures mythologiques et archétypales présentes dans de nombreuses cultures. Par leur présence, leur chant et leurs mouvements, ces oiseaux délivrent des récits liés à la migration, à la liberté, à la fragilité des écosystèmes et à la connexion entre monde visible et monde invisible. Le spectateur devient pleinement acteur : en manipulant l’objet et en activant les animations et les créations sonores, il découvre progressivement les différentes strates du récit, dans une temporalité lente, contemplative, presque rituelle.
Pensé comme une installation transportable, Le Sacre des oiseaux est à la fois livre d’artiste, dispositif narratif immersif et espace de méditation poétique. La technologie n’y est jamais un simple effet spectaculaire, mais un prolongement du geste rituel : à l’image des conteurs du Kaavad qui donnent vie aux récits par l’ouverture des panneaux, la réalité augmentée révèle ici les dimensions invisibles du livre — images animées, paysages sonores, voix, souffles et chants d’oiseaux.
Le projet rend enfin un hommage explicite à la pensée de Michel Butor, en concevant le livre comme un espace ouvert, mobile, polyphonique, traversé par le voyage. Le Sacre des oiseaux s’inscrit ainsi dans la lignée d’un livre-monde, à la croisée des cultures (Inde, Brésil, France), des disciplines (arts visuels, poésie, technologies immersives) et des règnes (humain et non-humain). À travers l’appel des oiseaux, il propose une expérience sensible où se rejoignent spiritualité et écologie, et où le livre devient un lieu de passage, de résonance et de transformation.
EM & CP :
Nous avons développé plusieurs projets artistiques immersifs au sein du label Under the Starry Vault, à la croisée de la poésie, des arts visuels, du sonore et des technologies numériques. La Forêt universelle est une fresque sonore monumentale en réalité augmentée qui redonne une voix poétique aux espèces menacées et interroge notre rapport au vivant. Le public y active, via une web-application, des animaux animés et des créations poétiques sonores au cœur d’une grande fresque immersive. Arbres-Mondes propose un voyage poétique au cœur des forêts du monde à travers une pluralité de formes : livre numérique enrichi, pop-up géant sonore en réalité augmentée, série de dessins, recueil de poèmes illustrés et parcours sonore. L’arbre y est envisagé comme un archétype universel reliant les mondes céleste, terrestre et souterrain. Ces deux projets seront prochainement présentés dans le réseau des médiathèques de Saint-Nazaire.
Villes flottantes est une œuvre poétique sonore immersive consacrée aux territoires océaniques et à l’impact des changements climatiques sur les villes côtières. Elle convoque dessins, animations en réalité augmentée et poésie sonore. Le projet a été développé à travers plusieurs résidences internationales (Taïwan, Inde, Tunisie, États-Unis – Villa Albertine –, France et Brésil). Il est actuellement présenté au Brésil dans le cadre de la Saison France–Brésil de l’Institut français, notamment au Centro Cultural Vale Maranhão (São Luís), au Museu de Arte Contemporânea de Niterói, ainsi qu’au Museu Cais do Sertão (Recife).
Nous venons également d’achever une version brodée de ces œuvres, en collaboration avec des collectifs de brodeurs en Inde (Institut Kalhath) et au Brésil (Bumba Meu Boi da Floresta), associant textile, poésie sonore et réalité augmentée.
Nous travaillons aussi actuellement sur Cartes poétiques, une fresque de la francophonie qui met en lumière la poésie francophone à travers les cinq continents, sous la forme d’une grande carte illustrée animée en réalité augmentée, enrichie de poésie sonore.
Enfin, nous entamons un nouveau projet de recherche et de création autour des figures de guérisseurs, de leurs pratiques, et de leur dimension spirituelles et symbolique à travers différentes cultures.