Catégorie: La parole à

Entretien avec Joël Bastard, auteur

samedi 10 juin
La parole à

Présentation de Joël Bastard :

Joël Bastard est né en 1955 à Versailles. 

Poète, romancier, dramaturge… il réalise de très nombreux livres d’artiste et participe régulièrement à des lectures publiques en France et à l’étranger, seul ou accompagné de musiciens. Il a publié près de cinquante livres dont sept aux éditions Gallimard.

Portrait de Joël Bastard ©Michel Durigneux
Portrait de Joël Bastard ©Michel Durigneux

Comment est venue l’envie de réaliser des livres d’artiste et à quel moment l’aventure a-t-elle commencée ?

LA DÉGUEULE, avec une préface de Paul Méline en 1974, tapé à la machine à écrire et illustré est mon tout premier livre d’artiste ! Je ne savais pas à l’époque que cela pouvait s’appeler ainsi, j’ignorais tout de ce monde. J’en ai réalisé plus d’une douzaine en solitaire jusqu’en 1986, uniquement pour rendre visible mes textes, en toute liberté d’action et de réinvention du livre ! À cette date, je rencontre Patrick Devreux avec qui je réaliserai mon premier livre accompagné, DÉSIRS ESQUIMAUX. Nous avons beaucoup discuté ensemble pour le penser, le concevoir et dans mon cas apprendre auprès de lui ce que pouvait être un livre d’artiste. Mon deuxième livre, LA VOLEUSE D’OMBRE, a été fait avec Evelyn Gerbaud ! Tous les deux, artistes peintres, lithographes et graveurs vivent et travaillent à Saint-Christol-de-Rodières dans le Gard. En 1994, une autre rencontre fut décisive, et a changé également ma vie, celle d’Éric Coisel des éditions « Collection Mémoires ».

Joël Bastard ©PascalBurgat
Joël Bastard ©PascalBurgat

Quelle place les livres d’artiste tiennent-ils dans votre travail ?

Ardoise, aux éditions "Collection Mémoires", 2011 ©JoëlBastard
Ardoise, aux éditions "Collection Mémoires", 2011 ©JoëlBastard

Une place primordiale et grandissante au fur et à mesure de tout. De mon parcours, de mes rencontres et de ma vie courante. C’est aussi mon laboratoire d’écriture et de recherche. Ce dialogue me plaît, m’interroge, me triture, me provoque, m’enrichit et me fait écrire des textes que je n’aurais jamais pu et penser écrire sans la proximité de l’autre. Sans ce télescopage insensé, cette friction innovante, ce rapprochement des arts.

Combien de livres d’artiste avez-vous crée ?

500. Certains sont imprimés mais en général ils sont manuscrits. Toutes les formes et les matières m’intéressent, toutes les manières techniques d’intervenir pour chacun d’eux. Tout est livre, il nous suffit d’un bâton sur une plage pour l’écrire. De la neige tombée sur le capot d’une automobile, sur la buée d’un carreau de fenêtre. J’aimerais écrire au laser dans le ciel, sur la façade des immeubles, sur les arbres, sur l’eau ! Pour moi, tout est livre…

Ensemble de livres d'artiste ©JoëlBastard
Ensemble de livres d'artiste ©JoëlBastard

Pouvez-vous nous donner quelques précisions sur le processus de création des textes dévolus au livre d’artiste ?

"CE QUE TU ME VOIS", avec 8 photographies de Marie L.
"CE QUE TU ME VOIS", avec 8 photographies de Marie L.

Dans la plupart des cas c’est le choc visuel devant l’œuvre qui provoque immédiatement mon écriture. Ce désir simple, évident d’écrire et j’aime vivre cette évidence en toute naïveté. J’aime frissonner pour m’abandonner à l’image et aux sens. Cela m’arrive souvent de vivre aussi intensément cet état avec des artistes comme Koschmider, Jean Anguera, Patricia Erbelding, Marie L., Tony Soulié, Mark Alsterlind, Jephan de Villiers, Joël Leick, … des éditions « Collection Mémoires » et avec bien d’autres comme Patrick Devreux, Michel Vautier, Evelyn Gerbaud, Mylène Besson, Jean-Michel Marchetti, Jane Le Besque, Edward Baran, Coco Téxèdre, …

 

Que vous apporte le livre de dialogue par rapport aux publications en édition courante que vous réalisez par ailleurs ?

D’être moins seul ! D’établir des connivences fraternelles et artistiques. Je fais des livres d’artiste pour vivre une aventure avec l’autre et enchanter ma vie. Pour être provoqué dans ma vie d’écrivain. J’aime la compagnie des artistes, c’est aussi simple que ça ! Ils enrichissent mon regard et ma pensée.

Jephan de Villiers et Joël Bastard, livres improvisés au Musée Denys-Puech à Rodez en 2007 ©ÉricCoisel
Jephan de Villiers et Joël Bastard, livres improvisés au Musée Denys-Puech à Rodez en 2007 ©ÉricCoisel

À quelle occasion avez-vous rencontré l’écrivain Michel Butor ?

Je l’ai rencontré deux fois, à Lucinges ! La première fois en 2012, j’ai échangé deux mots avec lui au salon du livre qui se tenait sous un chapiteau étouffant de chaleur. La deuxième fois c’est en 2013, pour une lecture de textes issus des Livres Pauvres. Nous en avons lu ensemble avec Daniel Leuwers, Jacques Ancet et Joël Vernet. Ayant cette fois-ci passé beaucoup plus de temps en sa compagnie, nous avons échangé encore deux mots, ça fait donc quatre ! Lors d’un repas qui a suivi la lecture, il a sorti sa trousse de crayons de couleur près de son assiette, avec les yeux d’un enfant qui fait croire à tous ceux qui ne le connaissent pas qu’il est seulement âgé ! J’étais très impressionné par cet auteur qui ne ratait pas une occasion de faire un livre…

Comment envisagez-vous l’exposition à l’Archipel Butor programmée au printemps 2024 ?

Comme un des évènements les plus importants dans mon parcours littéraire. Tous ces livres représentent des jours et des jours d’existence, d’images et de sensations, de dialogues avec l’autre ! Comme une occasion formidable de mettre en avant les artistes que j’aime et admire. Je vais pouvoir les montrer au public dans un espace unique et inespéré.

Sur quelles nouvelles publications travaillez-vous actuellement ?

Éditions courantes :  

JOURNAL DE LA CONTRE-CLEF, Illustrations de l’auteur, Al Manar, 2023.

LES COUVERTURES CONTEMPORAINES suivi de LE PRINCIPE SOUTERRAIN (Poèmes) Gallimard, 2024.
FILUMENA (Roman) Belfond, 2024.

Livres d’artiste :


MÉFIEZ-VOUS DES TULIPES, avec Ricardo Mosner, Cahier du Museur, 2023.
SOUS LES DOIGTS DE L’URUBU, encres au Mikado de l’auteur, édition Ségust, 2024.

Spectacles :

Sandrine Bonnaire (Lectrice) et Érik Truffaz (Trompettiste, composition inédite pour ce récit)) ont entamé une tournée en Suisse, France et Italie en 2020 pour jouer son livre LA CLAMEUR DES LUCIOLES (écrit à Montréal et illustré par CharlÉlie Couture).

Il joue aussi un spectacle totalement improvisé, textes et musique, avec le musicien Carlos Baumann, SIGNALS.

Son livret d’opéra, HARU, avec Romie Estèves (conceptrice Mezzo-soprano), Camille Rocailleux (compositeur), Jean-Yves Ruf (metteur en scène) est actuellement en répétition pour être joué en 2024.