Vivre et travailler de concert. Telle est la leçon que Michel Butor reçoit de la musique.
Lui qui se dit un « musicien refoulé tressaillant d’aise » à la moindre note, se décrit au concert comme un enfant dans un magasin de merveilleux jouets. Du garçonnet qui apprend le violon au poète octogénaire, Michel Butor aura vécu, écrit, rêvé, pensé en musique. Quel que soit le genre de ses écrits, chaque ouvrage est un livre partition ; chaque œuvre en collaboration une aventure d’harmonie et de rythme.
La musique à l’atelier Butor, c’est une façon d’être au monde : de refuser de fermer les frontières entre les époques, les pays, les cultures ; de travailler à ouvrir des trous dans les remparts ; de se sentir vibrer avec les flux et les énergies planétaires.
Mireille Calle-Gruber, écrivain, professeur des Universités à La Sorbonne Nouvelle a publié une trentaine de livres dont la Biographie de Claude Simon «Une vie à écrire» (Seuil, 2011) et récemment « Réinventer les alphabets » Claude Simon et Gaston Novelli (Éditions HD, 2024).
Marion Coste est docteure en langue et littérature françaises et agrégée de lettres modernes. Ses travaux de recherche portent sur les rapports entre littérature et musique en littérature française et francophone.
Michel Butor en musique, sous la direction de Mireille Calle-Gruber et Marion Coste
Villier – St Josse, H Diffusion, 2024
Date de publication : 21 janvier 2025
268 pages • 27€
Qu’est-ce qu’un texte pour vous ? (Dans le cadre d’un projet de livre d’artiste)
Un texte pour moi : c’est une voix parallèle à ma propre voix, c’est-à-dire à mon travail, une voix qui m’émeut et me donne envie de créer.
Comment vos matériaux, vos gestes, vos signes, vos choix, peuvent s’accorder à une langue, à un texte, à une pensée poétique ?
Cela se passe secrètement, on se laisse habiter par le texte, on le relit souvent, parfois avant de se mettre au travail, on y pense… ainsi, il devient cette autre voix qui se pose à travers des signes alors dessinés ou peints, d'autres traces sur le papier, que le manuscrit ou la typo. Ce travail de l’artiste n’est pas une équivalence et encore moins une illustration, car il faut être complètement libre par rapport à lui. Le texte est une forme de murmure vers lequel on se réfère intuitivement. On tente des rapprochements de signes parfois, des équivalences comme des coups de pinceaux faisant goutta, tache, mouvement, pour retrouver quelque chose d’une murmuration d’oiseaux, par exemple. Et puis, « ut pictura poésis » depuis bien longtemps : « la peinture est comme la poésie ». Constat qui n’est pas seulement à prendre au niveau du sens premier, intelligible, celui de l’istoria, mais en le retournant : « La poésie est comme la peinture », soit l’expression humaine la plus voisine du dessin et par extension, de la peinture. Le dessein avant le dessin est cette pensée grande ouverte, flottante, qui peut saisir quelque chose du poème, trace elle aussi fulgurante et tout aussi ouverte. Les deux s’inscrivent ainsi dans un flottement de découverte ou de vive saisie. Le livre d’artiste est sans doute un objet où l’on tente à chaque fois de remonter aux sources du langage, avant la séparation du dessin et de l’écriture… bien avant encore, juste au moment où la parole est apparue et s’est constituée comme un langage, pas seulement en tant que cri énonciateur, ou même mot ; mais en tant que vraie désignation ou authentique représentation verbale, si proche en cela du dessin. Soit, au moment où se réalisaient les premières représentations humaines avec des signes géométriques et tout un bestiaire réaliste, la main en empreinte marquant le tout. La force représentative a surgi dans le dessin et la parole. Comme désir de saisir enfin quelque chose du monde. Elle s’est inscrite, sans doute, dès le départ entre ces deux expressions devenues possibles.Jacquie Barral, entretien avec Valentine Oncins - novembre 2024
Catalogue édité en 2025 par les éditions PLI, pour le Manoir des livres.
Textes de Dominique Baqué, Valentine Oncins
64 pages • broché • 22€
22 cm x 28 cm
ISBN : 978-2-9597876-0-7
Je suis né en 1969 à Lugano en Suisse italienne, j’ai donc grandi en « italophonie » jusqu’à ma maturité. Ensuite, je suis parti du côté de la Suisse romande. D’abord à Fribourg, où j’ai fait mes études universitaires, que j’ai ensuite complétées à Genève par un diplôme d’études supérieures (aujourd’hui on dirait peut-être un Master en Lettres.) J’ai plutôt une spécialité en lettres italiennes et philologie romane. J’ai poursuivi avec un peu de littérature médiévale française à Genève.
Une fois diplômé, j’ai exercé le métier d’enseignant pendant trois années en tant que professeur d’italien. J’ai compris que ce n’était pas ce que j’avais envie de faire toute ma vie. Et je me suis réorienté vers le métier de libraire. J’ai d’abord travaillé une année dans une librairie de livres d’occasion qui existe toujours: « Les Recyclables ».
Ensuite, la ville de Genève cherchait un libraire pour gérer la librairie du Musée d’Art et d’Histoire. Pendant 10 ans, de 2002 à 2012, j’ai été libraire au sein du musée tout en restant indépendant.
Aujourd’hui, je travaille à la Fondation Martin Bodmer, à Cologny, en tant que collaborateur scientifique, responsable de l’accueil et de la librairie.
C’est un cas assez répandu chez les libraires d’avoir aussi envie de faire ses propres livres. Quand j’étais enfant, j’avais une très grande amie (que j’ai toujours), que je considère un peu comme ma grande sœur. Il se trouve qu’elle est petite-fille et fille de libraire et libraire elle-même, aujourd’hui ! On a grandi un peu ensemble, on était souvent dans l’entrepôt de la librairie. Son papa nous laissait prendre un ou plusieurs ouvrages… Et ainsi, le livre nous a habité très tôt.
En 2006, j’ai eu l’envie de commencer à faire des livres en tant qu’éditeur. Le stimulus principal à ce moment-là, c’est une demande régulière de la part des visiteurs du Musée d’Art et d’Histoire. Des amateurs, des historiens de l’art, qui recherchaient des ouvrages qui n’existaient pas ou qui étaient épuisés depuis longtemps et difficiles à trouver. Le premier projet a été le Traité des principes et des règles de la peinture, édité par Jean-Etienne Liotard (Genève, 1702 – Genève, 1789): un artiste majeur des collections du musée de Genève. Si on m’avait dit il y a 18 ans, que j’allais recevoir en moyenne, trois propositions de textes à publier par jour (jeunesse et adultes) ! Probablement que j’aurais hésité
En tant qu’éditeur, on a publié notamment des textes illustrés pour la jeunesse, en commençant par en publier des traductions. Je les considère presque comme des livres d’artistes. Il s’agit aussi d’un dialogue entre un écrivain et un plasticien. La différence principale étant le nombre de tirages plus conséquent. On publie aussi des livres en plusieurs langues, des textes avec des artistes. La ligne éditoriale consiste à opérer des croisements entre les arts plastiques et la littérature (écrits d’artistes, regards d’écrivains, illustrations), à favoriser des décloisonnements entre divers domaines de recherche et d’expression (botanique, philosophie, poésie…), ainsi qu’à donner une trace à des événements culturels (catalogues d’expositions, actes de colloques…)
J’ai rencontré Michel Butor à l’époque où je travaillais au musée. La rencontre s’est faite par l’intermédiaire des artistes suisses Catherine et Axel Ernst, qui ont d’ailleurs exposé au Manoir des livres en 2010, notamment Catherine pour les ouvrages Errances botaniques et Epîtres florales, aux éditions Slatkine. Ces livres présentant des fleurs alpestres et des textes poétiques m’avait beaucoup plu.
Pour moi à cette époque, Michel Butor était une sorte de monument de la littérature, que je ne pensais pas pouvoir rencontrer et dont je ne connaissais pas au départ tout le travail autour des livres d’artistes. Notre première véritable collaboration est la reprise de textes épuisés sur Genève qu’il avait précédemment publiés dans les années 80-82 sans image, dans une collection qui éditait des sortes de guides touristiques en donnant la parole à des artistes: “Les villes rêvées”. On me le demandait régulièrement à la boutique du musée. Un jour, j’ai fini par le trouver. Michel Butor y donne son point de vue sur certains lieux de Genève. J’avais envie de le republier tel quel, mais en y ajoutant des photographies et des croquis. Je l’ai proposé à une photographe et un artiste qui faisait des croquis, rencontrés au musée: Nathalie Sabato et Mickaël Cacioppo. L’ensemble se compose de petits textes anecdotiques accompagnés de photos et de dessins. Le livre s’appelle Genève dans son changement.
Juste avant, il y a eu une collaboration pour la publication d’un texte sur l’artiste américain Jasper Johns : Comment écrire pour Jasper Johns. Ce livre a été publié en trois langues, français, anglais et allemand, puisque toutes les œuvres de l’artiste reproduites dans l’ouvrage sont conservées au musée de Bâle. Le texte de Michel Butor est plutôt un texte poétique et non un texte sur l’artiste, présenté sous la forme d’un Almanach. Ensuite, il y a eu un livre avec Catherine Ernst, à qui je dois notre rencontre, intitulé Montagnes en gestation, et ensuite encore un livre sur le Japon et le fleurissement des rues par les habitants: Jardins de rue au Japon, avec des photographies d’Olivier Delhoume, livre totalement épuisé aujourd’hui. Puis il y a eu ce projet à double entrée, Cent instants japonais/ le temps du Japon, d’un côté du livre, vous avez les photographies de Marie-Jo Butor, prises lors de leur voyage au Japon avec Michel, chaque photo est accompagnée d’un texte de Michel Butor; de l’autre, des photographies d’Olivier Delhoume avec des textes de Michel, ainsi que de Jacques Boesch et de Lucien Curzi.
Le dernier, c’est La grande armoire, avec des photographies d’Olivier Delhoume, livre prévu pour le quatre-vingt-dixième anniversaire de Michel en 2016 mais hélas sorti après son décès. Il y commente avec beaucoup de détails 80 objets sortis de sa grande armoire de Lucinges, une sorte de testament. Il y a eu aussi : Altesses de la basse-cour, des poèmes de Michel Butor qui accompagnent des photographies de « vraies poules » de Daniele Ferroni mais aussi de « fausses poules », sculptées par l’artiste italien Giovanni Tamburelli. Au-delà des poules, le thème est plutôt celui du pouvoir et de la politique.
Le dernier livre m’a été commandé par la fondation Bodmer où je travaille, à l’occasion d’une exposition de la donation de l’écrivain: Bibliotheca Butoriana Bodmerianae – Les livres d’artistes de Michel Butor à la Fondation Martin Bodmer.
Il y a au moins deux petits volumes qui devraient paraître en 2026 et toujours des projets jeunesse… J’ai un peu réduit le rythme ces dernières années.
Marie Minssieux-Chamonard, conservatrice en chef, en charge de la réserve précieuse de la BNF à Paris, a pu publier cette année la bibliographie des livres d’artistes imprimés, réalisés par Michel Butor entre 1991 et 2000.
Cet inventaire recense les livres illustrés et les livres d’artistes de Michel Butor qui sont l’expression d’un travail de collaboration active entre l’écrivain et l’artiste. Ces livres sont des œuvres à part entière, qui ne prennent sens que dans leur relation entre le texte et l’image. Sont exclus du Catalogue raisonné, les albums, les catalogues d’exposition et les livres à frontispice (comme les premiers romans de Michel Butor dans les tirages de tête) que certains éditeurs ont pu publier dans un but bibliophilique, mais qui ne relèvent pas du travail de collaboration que Michel Butor a mené avec des artistes, dans la nécessité partagée de l’œuvre.
Les notices suivent l’ordre chronologique des dates de publication. Dans cet ouvrage, sont reprises les mentions d’illustrateurs, d’imprimeurs et d’éditeurs telles qu’elles apparaissent sur la page de titre et sur l’achevé d’imprimer, sans chercher à unifier leurs formes qui ont pu varier selon les périodes. Par exemple, l’artiste Axel Cassel apparaît dans les premières notices sous le nom d’Axel von Cassel.
Cet ouvrage est à découvrir en open édition ici.
Bonjour à tous les lecteurs et amateurs de littérature et d’art de l’Archipel Butor.
Je m’appelle Jonathan Devaux, j’ai 41 ans. J’ai grandi dans le sud de la France où
j’habite toujours — depuis 2021 à Aigues-Vives, entre Nîmes et Montpellier. Je
suis libraire spécialisé dans les livres rares, autographes, manuscrits et œuvres
d’art sur papier. Je suis très honoré d’être sollicité pour répondre à quelques
questions sur mon métier d’autant qu’aussi loin que je m’en souvienne, Michel
Butor est ma première rencontre physique avec un grand écrivain : il était le
parrain de ma promotion l’année où j’ai passé mon bac au lycée Philippe Lamour,
à Nîmes, en … 1998 ou 1999, et nous avait rendu visite pour faire des lectures.
J’en garde un souvenir ému.
Après des études en Lettres Modernes à l’Université, financées par un job à mi-temps à la Librairie Gibert Joseph de Montpellier, jusqu’à un doctorat sur les rapports entre Littérature et Peinture dans la génération symboliste de la fin du XIXe siècle en France et en Belgique, j’ai enseigné pendant plus de 15 ans dans le Supérieur, à l’Université de Montpellier, de Nice et enfin de Nîmes, tout en menant une vie de musicien semi-professionnel. J’ai quitté l’Université en 2021 pour me consacrer entièrement à ma librairie.
Plusieurs facteurs, événements et rencontres y ont contribué. Je crois qu’il faut avoir soi-même une âme de collectionneur : depuis que je suis tout petit, tout y passe : les pin’s, les timbres, les pierres, les cartes de sport, les cassettes/cds/vinyles ! Puis, étudiant en lettres et passionné de littérature, un grand professeur de l’Université de Montpellier, Pierre Citti, qui fut ensuite mon directeur de mémoire puis de thèse, m’a fait découvrir la littérature symboliste belge de la fin du XIXe siècle (Maeterlinck, Rodenbach, Verhaeren). Ce fut une véritable révélation et, dès lors, j’ai cherché à réunir leurs œuvres pour me constituer une bibliothèque idéale de cette période. J’étais étudiant et peu fortuné donc j’ai commencé par les éditions contemporaines de poche. Puis, à l’occasion d’un Noël familial à Bruxelles, où ma tante travaillait à l’ambassade, mon oncle, lui aussi grand collectionneur d’objets et œuvres d’art, m’a fait découvrir tous les bouquinistes et libraires spécialisés dans les livres anciens de la capitale belge. Grâce à sa générosité, ma collection de livres anciens a commencé !
Une fois en doctorat, en co-tutelle avec la Belgique, mon sujet de thèse m’a amené à travailler avec les Archives et Musée de la Littérature, à la Bibliothèque Royale de Belgique, où je passais des journées entières, parfois des soirées, dans l’intimité des dédicaces, manuscrits et correspondances de mes auteurs favoris, sous la protection d’un chercheur et ami, Fabrice Van de Kerckhove. Ma rencontre avec le libraire Pascal de Sadeleer, à l’occasion d’un dîner chez Adrienne Fontainas chez qui je séjournais pour travailler sur des correspondances entre le poète André Fontainas et l’écrivain belge Eugène Demolder, a alors été déterminante pour le futur. Il a été un véritable mentor et est devenu un ami. C’est sous sa protection bienveillante que j’ai eu accès à des trésors inestimables pour mes recherches et que j’ai forgé bon nombre de mes connaissances dans la description des livres rares et des vieux papiers. Ses catalogues sont une mine d’or pour la période symboliste.
Lassé par le milieu universitaire moribond, — que les périodes de confinement dues au Covid n’ont pas arrangé —, et ne pouvant vivre que de la recherche en littérature, j’ai décidé de réorienter mon travail en ouvrant ma librairie spécialisée en ligne et ainsi poursuivre ma passion pour les vieux papiers d’une autre manière.
J’ai ouvert la librairie À la Demi-Lune le 1er janvier 2019 alors que j’étais encore
en poste à l’Université de Nîmes, après avoir solidement enquêté auprès de
quelques confrères bien installés dans le métier depuis de nombreuses années
afin de m’assurer de la viabilité de mon projet. J’ai commencé par injecter des
ouvrages de ma collection personnelle, puis j’ai acheté mes premiers lots de
livres en brocante et en salle des ventes, à Nîmes et Montpellier. Le choix du
nom s’est très vite imposé : c’est un hommage à « la Demi-Lune », la dernière
demeure du peintre et graveur belge Félicien Rops (1833-1898), de son gendre
l’écrivain Eugène Demolder (1862-1919) et de sa fille Claire Demolder-Rops
(1871-1944), à Corbeille-Essonnes, en région parisienne. À la fin du 19e siècle,
ces trois-là y ont pour ainsi dire tenu salon, recevant tous les artistes francobelges
de l’époque et y concevant toutes sortes de projets de livres, dont
l’histoire littéraire à surtout retenu ceux réalisés avec le voisin Alfred Jarry. J’ai
eu la chance, — et je continue d’ailleurs à le faire au travers de ma collection —,
de travailler sur ce trio artistique important des lettres de langue française de
Belgique.
La librairie à la Demi-Lune est pour l’instant ce qu’on appelle une « librairie en chambre ». Je travaille chez moi et reçois mes clients sur rendez-vous. Je me déplace beaucoup pour chiner des livres et des autographes chez les particuliers, chez les confrères et en salle des ventes, réaliser des expertises, livrer mes clients, etc. J’aime ce contact humain et en ai besoin pour avancer. Pour le reste, mon activité de vente se déroule principalement en ligne sur les plateformes spécialisées tels que Ebay, Catawiki, Abebooks et Livrerarebook où je vends à prix fixe ou aux enchères. Je réalise deux ou trois catalogues à prix marqués par an que je diffuse exclusivement de manière numérique. J’ai un site internet dans les tuyaux depuis quelques années, mais je n’ai toujours pas trouvé le temps de le mettre en ligne ! Je projette d’ouvrir une boutique physique à Aigues-Vives qui sera aussi un lieu d’expositions temporaires, voire, soyons fous, une galerie d’art ! Il y a tant d’artistes avec qui je suis en contact ou que j’admire, tout simplement, et que j’aimerais mettre à l’honneur dans mon petit village : Anne Slacik, Sylvère, Marie Hugo, Julius Baltazar, Pierre André Benoit, etc. Et je
pourrais ainsi organiser des rencontres et expositions autour du livre d’artiste !
Exemples de livres issus de la « Librairie à la Demi-Lune »
J’ai toujours, en tant que collectionneur et chercheur en littérature, manifesté un
attachement profond au dialogue entre les arts, à l’intermédialité et aux
immixtions d’un art dans un autre. J’ai beaucoup travaillé, pour ma thèse, sur les
questions d’ekphrasis et de transposition d’art entre 1886 et 1914. Il y a donc un
terrain favorable, par ce biais, une sensibilité déjà accrue aux relations texte/
image/support et à toutes leurs potentialités. Ensuite, à l’ouverture de la
librairie, en 2019, c’est encore une rencontre, puis une autre rencontre, puis
encore une autre, qui m’ont ouvert la voie spécifique du livre d’artiste. Je dois à
mon collègue de l’Université de Nîmes, Jean-Louis Meunier, mon premier éveil à
ce type de livres. Jean-Louis a fréquenté tellement d’écrivains et d’artistes ! Il a
mis entre mes mains des livres des éditions PAB qu’il a collectionnés toute sa vie
et dont je n’oublierai jamais l’effet révélateur qu’ils ont eu sur moi. Il a
également réalisé de nombreux livres d’artiste dans les années 80/90 sous le
nom de La Balance avec des peintres, graveurs et poètes contemporains. Les
premiers livres d’artiste que j’ai vendus venaient de son fonds éditorial. Il m’a
pour ainsi dire mis le pied à l’étrier. Ensuite, mes ventes en la matière, mon
sérieux et la qualité de mes descriptions, ont commencé à attirer l’oeil de
certains éditeurs et artistes qui m’ont contacté directement pour nouer des
partenariats, comme l’artiste Anne Slacik, l’écrivain Bernard Teulon-Nouailles ou
encore les Éditions du Bourdaric de Renaud Vincent à Valon Pont d’Arc, par
exemple. Il est vrai que lorsqu’on commence à proposer à la vente des livres
d’artiste d’Anne Slacik, Robert Combas, Claude Viallat, Lucien Clergue, André-
Pierre Arnal, Michel Houellebecq, Vincent Bioulès ou Loïc le Groumellec, ça fait
forcément un peu de « buzz » dans le milieu de la bibliophilie contemporaine.
Ma dernière rencontre importante en la matière, par l’entremise d’Anne Slacik, est celle avec la famille Martin, héritière de Pierre André Benoit et créatrice des
Éditions de Rivières dont je viens de réaliser un catalogue de 100 livres d’artiste
que j’ai le plaisir de partager avec les lecteurs de l’Archipel Butor !
Comme je le disais précédemment, j’achète ou prends en dépôt des livres, au fil des rencontres. Je suis également à l’affût de tout ce qui peut passer en salle des
ventes. Je vais à la rencontre d’écrivains et artistes créatifs dans ce domaine pour parfaire mes connaissances et enrichir mon fonds. Je rêve par exemple de mener un travail avec l’atelier Lucien Clergue autour des livres d’artiste du photographe. Je projette également de rendre visite à Robert Lobet des éditions La Margeride, dans son atelier. Il en découlera peut-être quelque chose, qui sait ?
A l’heure actuelle, j’ai plus de 300 livres d’artistes dans mon fonds.
Je travaille depuis un an sur un catalogue réunissant une sélection de 100 livres
d’artiste des Éditions de Rivières — sur les 1200 créés entre 2002 et 2020 ! — de
Jean-Paul Martin (1948-2020), cousin et héritier du poète, artiste et éditeur
alésien Pierre André Benoit (1921-1993). Michel Butor a réalisé une centaine de
livres chez Rivières. Mon catalogue, qui n’a aucunement la prétention d’être
exhaustif, en présente une quinzaine. Je me devais donc de répondre à votre
question en commençant par là où tout a commencé pour moi : par Butor ! Mais
qu’il est difficile de faire un choix parmi tant de beautés poétique et plastique. Si
je devais en garder un pour ma bibliothèque personnelle, ce serait le coffret de
trois livres d’artistes : Entretiens Instantanés / Mexique / Argentine / Brésil
présentés au numéro 37 de mon catalogue, non seulement car les textes sont
une invitation au voyage en Amérique du Sud à travers une série de cartes
postales poétiques de Butor, mais aussi parce que chaque exemplaire unique est
enluminé par trois artistes que j’affectionne tout particulièrement : Lucien
Clergue pour Mexique ; Anne Slacik et ses bleus pour Argentine ; et Claude
Clarbous pour Brésil. Ah si je pouvais garder tous les livres peints par Anne pour
ma seule contemplation ! Mais il faut que ces livres circulent et émerveillent
d’autres yeux que les miens, sinon à quoi bon faire ce métier !
Outre cet auteur et ces trois artistes, j’ai eu deux autres révélations en
travaillant sur ce catalogue. La première a été ma rencontre avec l’artiste
Sylvère, à Aubarine, dans le Gard, en septembre 2023. Sylvère a réalisé pas
moins de 300 livres peints pour les Éditions de Rivières ! C’est absolument
vertigineux. La visite de son atelier m’a beaucoup marqué. C’est un artiste
fascinant qui n’a pas la reconnaissance nationale et internationale qu’il mérite. Il
a désormais plus de 90 ans. Il serait temps ! Sa peinture me donne l’étrange
sensation de renouer avec les débuts de notre humanité tout en ayant les deux
pieds bien ancrés dans notre contemporanéité. Je ne sais comment l’expliquer
mais il réussit par sa peinture ce tour de magie, car il y a de la magie là-dedans,
de nous ramener à la préhistoire, en 2024 !
L’autre magicien de Rivières, à mon goût tout à fait personnel et subjectif, c’est
Julius Baltazar que j’ai davantage découvert à l’occasion de la rédaction de
catalogue. Je présente six de ses livres peints. Si je devais n’en garder qu’un ce
serait son Piano fou avec Salah Stétié, présenté au numéro 78 de mon
catalogue. Je crois qu’il y a là la combinaison parfaite de tout ce qui peut me
charmer dans un livre : la rencontre de la poésie, de la peinture et de la
musique. Le livre d’Anne Slacik et Michel Butor, Petit orchestre portatif, dont j’ai
vendu un exemplaire il y a un an, m’avait envouté de la même manière.
Mais ce n’est pas tout : il y a tout un tas de trésors à découvrir dans mon dernier
catalogue.
Par téléphone : 0622834726
Par courrier :
Librairie À la Demi-Lune
Jonathan Devaux
67 Grand Rue
30670 Aigues-Vives
Par mail : contact@alademilune.com
Je suis né en 1956. Mes parents exerçaient la profession de libraires.
Passionné pendant mon adolescence par la littérature, la peinture et le théâtre, j’ai choisi de devenir scénographe.
Je suis entré sur concours au TNS ( Théâtre National de Strasbourg).
En suivant l’enseignement du TNS je me suis rendu compte que ce n’était pas l’idée de l’avenir professionnel que j’avais à l’esprit.
Au sortir de mes études de scénographie, j’ai donc repris des études aux Beaux-Arts pour une formation de design graphique.
Une fois diplômé, j’ai travaillé dans un bureau de Design à Paris où je m’occupais des livres publiés pour les expositions d’art organisées par le groupe Louis Vuitton.
Par la suite, je me suis occupé des livres et Hors Série publiés par le magazine L’Expansion puis des livres et Hors Série du Magazine Beaux-Arts.
Fort de cette expérience d’une dizaine d’années, je suis devenu designer graphique indépendant spécialisé dans les catalogues des grandes expositions pour différentes bibliothèques et musées (Beaubourg, Grand Palais, musées de Paris, de Lyon, de Dijon….).
Étant né presque au milieu des livres, dans la librairie familiale, je n’avais qu’une envie : publier mes propres ouvrages.
En 1998, j’ai donc créé les Editions Virgile à Dijon où je me suis installé avec mon épouse et mes deux enfants.
Puis en 2008, j’ai fait l’acquisition d’une galerie d’art à Paris dans le Quartier Latin, rue de l’Université, pour présenter nos livres de bibliophilie contemporaine, livres moins visibles auprès du public, car non diffusés dans les librairies.
Par ailleurs, j’organisais au sein de cette galerie des expositions avec les artistes avec qui je collabore pour la conception des livres.
En mars 2023, j’ai cédé ma galerie pour me consacrer uniquement à la création et la publication de livres de bibliophilie en tirage très limité.
J’ai fondé en 1998 les Éditions Virgile avec le projet de publier des livres de littérature et de bibliophilie contemporaine.
Le terme de bibliophilie contemporaine fait référence à une tradition du “beau livre” qui s’est développée à l’orée du vingtième siècle grâce à l’initiative d’éditeurs – galeristes, comme Ambroise Vollard, Daniel-Henry Kahnweiler ou Aimé Maeght, qui ont su orchestrer dans des ouvrages d’exception la rencontre entre poètes et peintres.
Je conçois les livres de bibliophilie en coopération avec des écrivains et des artistes peintres, mais également des musiciens ou des grands chefs cuisiniers en associant toutes ces personnalités à des projets éditoriaux inédits.
Aujourd’hui les Éditions Virgile comptent près de 200 titres répartis dans cinq collections de livres en édition courante et de bibliophilie dans lesquelles écrivains ou peintres et musiciens ont trouvé leur place.
J’ai écrit à Michel Butor en 1999 pour lui proposer un projet éditorial et je l’ai rencontré en 2001 dans sa maison à Lucinges.
Michel Butor était un homme chaleureux qui vous adoptait facilement dans son groupe d’amis, de poètes, et de peintres.
J’ai réalisé huit livres avec Michel Butor, qui sont à la fois des essais sur l’art pour quatre d’entre eux et des ouvrages de bibliophilie pour les quatre autres.
Pour notre première coopération, j’avais écrit à Butor pour lui passer commande d’un texte en lui proposant comme sujet soit Matisse, soit Picasso. Quelques temps plus tard, je recevais en tapuscrit le livre intitulé Cantique de Matisse, sorte de portrait en miroir du peintre et du poète.
Ce livre a rencontré un joli succès éditorial, ce qui m’a incité à commander un second texte à l’auteur, qui me confia un peu plus tard un essai sur Delacroix.
Un autre jour, à la faveur de l’une de mes visites à Lucinges, Michel Butor m’a montré un bel ensemble de photographies en noir et blanc qu’il avait réalisées entre les années 1950 et les années 1960, empilées dans une boîte bien rangée sur les étagères derrière son bureau.
Michel Butor a pratiqué la photographie de 1951 à 1962.
En photographe amateur et passionné, il a photographié des lieux souvent dépourvus de personnages, des paysages, ou des détails d’architecture, des effets de perspective, des jeux d’ombre, etc., lors de ses voyages en Italie, en Grèce, en Turquie, en Espagne et à l’occasion de sa première découverte des États-Unis. La plupart des photos en noir et blanc que Butor me montra ce jour-là avaient été prises lors de son premier séjour aux États-Unis.
Avec ce bel ensemble, nous avons composé un livre en édition courante et un ouvrage de bibliophilie enrichi de photos originales signées.
Assez régulièrement, venant de Paris, je rendais visite à Michel Butor, dans sa maison sur la montagne au-dessus de Genève. Je passais la journée avec lui pour parler de nos projets éditoriaux et invitais Michel et Marie-Jo à déjeuner à la table d’un bon restaurant des environs.
Comme à mon habitude avec les auteurs et artistes avec qui je collabore, je profitais de ces moments privilégiés pour interroger Butor sur ses rencontres et ses amitiés littéraires.
Un jour, il me brossa le portrait de Roland Barthes qui fut l’un de ses amis les plus chers, du temps de leur jeunesse jusqu’à la mort accidentelle de l’auteur de Fragments d’un discours amoureux.
Une autre fois je l’interrogeais sur les auteurs qui composèrent le groupe du Nouveau Roman. Il me raconta l’amitié qui le liait à Nathalie Sarraute et Claude Simon.
Une autre fois encore, il me décrivit les mises en scène de pièces qu’il concevait dans une sorte de mascarade surréaliste avec la complicité de ses deux amis, le romancier Pierre Klossowski, et son frère, l’artiste Balthus.
Je garde un heureux souvenir de ces moments partagés et des livres que nous avons créés ensemble.
La plupart de nos ouvrages sont imprimés en typographie au plomb sur papier chiffon, tirés à seulement une dizaine d’exemplaires pouvant parfois aller jusqu’à 80 exemplaires.
Tous ces livres sont signés sur l’une des dernières pages, appelée page du colophon.
Chacun des livres rares que je publie est enrichi d’œuvres originales et parfois de recettes originales de cuisine lorsque je travaille avec un grand chef, ou de partitions de musique lorsque je crée des livres avec des musiciens.
Pour vous donner un exemple, j’ai voulu aborder la musique contemporaine en créant des livres rares avec les compositeurs Pascal Dusapin, Betsy Jolas et Georges Aperghis.
Pour enrichir ces ouvrages imprimés à seulement huit exemplaires, j’ai proposé aux compositeurs de me donner des partitions manuscrites originales de leurs œuvres.
Leurs partitions manuscrites, témoignages de « Work in Progress » de ces musiciens aux styles résolument différents, sont glissées dans chacun des livres et confèrent ainsi une valeur particulière à ces publications.
Pour concevoir mes livres rares, j’ai pour habitude de rencontrer les auteurs et artistes lors de trois ou quatre sessions de travail préliminaire afin de bien nous entendre sur le projet éditorial à venir.
A la fin de ces rendez-vous de travail, j’ai plaisir à inviter à déjeuner les auteurs et artistes afin de partager quelques instants plus personnels. Je profite de ces moments privilégiés pour leur poser des questions sur leurs parcours artistiques, littéraires ou musicaux.
Nous avons 9 livres en cours et en chantier dont, entre autre, un livre avec un grand chef cuisinier, un livre avec Robert Combas, un livre sur le théâtre, un livre sur Marcel Proust et un livre avec le pianiste de jazz Keith Jarrett, …
Des projets très différents les uns des autres et c’est cela qui rend ces publications intéressantes pour moi et les auteurs ou artistes avec qui je les crée.
Marion Coste est maîtresse de conférences en littératures francophones à Sorbonne-Université. Ses recherches portent sur les relations de la musique et de la littérature, en littératures françaises et francophones et dans le rap francophone. Elle a produit plusieurs livres et articles sur les relations de Michel Butor, Léonora Miano, Kossi Efoui, Koffi Kwahulé, Daniel Maximin avec la musique, pour voir comment cet art renouvelle leur écriture et les invite à des écritures hybrides.
Elle a réalisé une thèse intitulée : Une leçon de musique donnée aux mots : le refus des frontières dans l’œuvre de Michel Butor
Directeur(s) de thèse : Mireille Calle-Gruber, Laure Schnapper
J’ai longtemps voulu être musicienne professionnelle, et j’ai suivi une formation professionnalisante en conservatoires en parallèle de mes études littéraires, jusqu’à la fin de mon master de littérature. J’ai aimé la littérature avec des oreilles de musicienne, y retrouvant le même plaisir et les mêmes ouvertures. J’ai retrouvé chez Butor cette façon d’envisager la littérature, la langue même, comme un cas particulier de l’expression musicale et sonore, et une volonté puissante, peut-être inégalée, à penser ces deux arts dans une continuité.
Il y a aussi eu, au cœur de ce projet de thèse, les rencontres fondamentales qu’on été pour moi Mireille Calle-Gruber, ma directrice de thèse, qui préparait à l’époque les œuvres complètes de Butor, et Midori Ogawa, enseignante japonaise invitée dans mon université, qui m’avait orientée vers cet écrivain, connaissant mon appétence musicale.
Ma thèse a consisté à penser l’écriture de Butor depuis l’influence de la musique. On envisage souvent l’œuvre de Butor depuis le prisme théorique du Nouveau Roman, prisme théorique qui me semble parfois inapte à saisir certaines explorations sensibles de l’écriture butorienne, surtout quand elle se fait dans la compagnie des artistes, et notamment des musiciens. Au contraire, je suis partie des théories musicales des années 60-70, que Butor connaissait fort bien : celles d’Henri Pousseur, son grand ami et principal collaborateur musicien, Jean-Yves Bosseur, avec qui Butor a aussi produit plusieurs œuvres, d’Arnold Schönberg et Pierre Boulez. J’ai lu les textes de Butor, y compris ceux écrits sans évocation directe de la musique, comme un dialogue noué avec cet art. Et je n’ai eu qu’à suivre un chemin manifestement présent dans la façon d’écrire de Butor : partout j’ai lu des appels à une lecture musicale de son œuvre, lecture musicale nécessitant des connaissances musicologiques précises, ce qui explique peut-être pourquoi cette thèse n’avait pas déjà été écrite.
J’ai ensuite eu le bonheur de rencontrer des musiciens avec qui Butor avait collaboré, et partout j’ai trouvé une joie de l’accueil et du travail-avec, qui reste pour moi l’une des marques artistiques de Butor.
Oui, j’ai rencontré plusieurs fois Michel Butor, à Paris et à Lille, et surtout, à la fin de ma thèse en 2014, à Lucinges, où il m’avait reçue dans son bureau.
Il m’avait montré un grand nombre de livres d’artistes que je n’avais pas pu consulter jusque-là, et qui m’ont aidé à comprendre que pour Butor, la musique est aussi un art graphique, et l’importance de la partition dans son écriture, en tant qu’objet graphique.
J’ai aimé aussi le rencontrer à Lucinges, dans un environnement qu’il avait choisi et qui disait quelque chose de sa manière d’écrire et de sa manière d’être à la fois en dialogue et à l’écart.
Outre plusieurs articles dans lesquels j’explore la dimension musicale de l’écriture butorienne, j’ai écrit un livre qui rend compte de mon expérience de dramaturge pour l’opéra variable Votre Faust, que Butor a co-écrit avec le musicien belge Henri Pousseur. J’ai été invitée en 2016 par Aliénor Dauchez à préparer un livret et à expliquer le texte aux comédiens de la compagnie La Cage et aux musiciens de l’ensemble TM+, pour préparer avec eux la première mise en scène en France de cet opéra composé entre 1960 et 1969.
Parce que pour Butor, l’écriture entraine la musique et la peinture : la disjonction des arts est un phénomène moderne et partiel, qui ne permet pas de rendre compte d’une sensibilité butorienne ouverte aux quatre vents.
D’après les témoignages mêmes des musiciens que j’ai pu lire, notamment celui de René Koering lors d’un colloque à Cerisy consacré à l’écrivain, Butor offrait aux compositeurs une langue toujours-déjà musicale, par son rythme et ses potentialités d’évocation.
Je pense aussi que Butor a travaillé la langue à des niveaux macro-structurel, organisant certains textes comme des fugues, des rondeaux, ou des compositions sérielles, délaissant la continuité chronologique du roman classique, pour procéder par thèmes qui viennent et reviennent, s’entrecroisent et entrent en résonnance : sa manière de traiter la matière textuelle s’accordait avec celle dont un grand nombre de compositeurs traitaient la matière sonore.
Mireille Calle-Gruber et moi-même préparons actuellement un ouvrage sur les relations entre Michel Butor et la musique, qui paraîtra à l’automne 2024 chez HD Diffusion. C’est un projet très enthousiasmant ! Nous avons récolté à la fois des textes écrits par des spécialistes universitaires, des livres d’artistes incluant des partitions dont certaines photographies nous ont été transmises par le Manoir des livres, des photographies d’archives rendant compte des collaborations musicales de Butor et des textes inédits de l’écrivain en lien avec la musique. Nous avons aussi tenu à montrer que les textes de Butor ne cessent d’inspirer la création musicale et ouvrent à des dialogues imprévisibles et féconds, notamment avec une mise en musique d’un poème de Butor, « Le phare naufragé », par une chanteuse libanaise, Carole Medawar.
Sélection bibliographique, communications autour de Michel Butor :
Marion Coste, Votre Faust. La création en partage, Presses universitaires de Franche Comté. « Annales littéraires », 2019
Marion Coste, Une leçon de musique donnée aux mots : les collaborations musicales de Michel Butor avec Ludwig van Beethoven et Henri Pousseur, Presses de la Sorbonne-Nouvelle, 2017
Marion Coste, « Compte rendu du Cahiers Butor 2 : Michel Butor et les peintres, sous la direction de Mireille Calle-Gruber et Patrick Suter », Écriture et image : cahiers du CEEI, décembre 2022. ISSN 2780-4208
Marion Coste, Rien n’est plus dangereux pour un musicien ou un peintre que de s’intéresser à la littérature : l’ombre de l’écrivain dans Votre Faust d’Henri Pousseur et Michel Butor, Comparatismes en Sorbonne, 2022. ISSN 1962-8927
Marion Coste, Une leçon de musique donnée aux mots : ruser avec les frontières dans l’œuvre de Michel Butor [A music lesson given to words : Outwitting frontiers in the works of Michel Butor], Littératures. Université Sorbonne Paris Cité, 2015. Français. ⟨NNT : 2015USPCA109⟩2015
Claude Ollier, quand le texte dresse l’oreille , Du théâtre aveugle au texte-partition : les œuvres radiophoniques de Michel Butor , Voix, féminin et érotisme dans Jules (1967) et Récréation (1987) de Monique Wittig
Jeudi 19 novembre 2015
Marion Coste, « Du théâtre aveugle au texte-partition : les oeuvres radiophoniques de Michel Butor »
Samedi 19 septembre 2015
Le livre d’artiste réinvente le livre à chaque livre. Au hasard des rencontres, des propositions d’éditeurs ou de celles des artistes. Le livre d’artiste se décide sur un regard, une peinture dans un atelier, un courrier ou un courriel, un poème qui a besoin de l’autre, le désir d’être ensemble sur un morceau de papier ou une toute autre matière. Alors nous rêvons et concevons un espace commun. Seul compte le dialogue entre la peinture et le poème pour ce que j’appelle LE TROISIÈME LIVRE, né de cette liaison et qui se réalise pleinement dans les yeux de celui qui le lit et qui le regarde ! Qui le compose ! Un livre qui existe donc entre nous et nous.
Joël Bastard
Catalogue édité en 2024 par les éditions PLI, pour le Manoir des livres.
Textes de Joël Bastard
Illustrations en couleur.
64 pages • broché • 22€
22 cm x 28 cm
Depuis mes études en Arts Plastiques à Paris 8 et aux beaux-arts de la Ville de Paris dans l’atelier d’Agnès Carré (1990-1994), je poursuis une recherche sur la couleur et la transparence dans la peinture. Je vis et travaille à Paris mais aussi à proximité de la Méditerranée, entre mer et montagnes. J’ai créé mon premier atelier sur la friche de la gare marchandises Paris-Est en 1990.
Je me nourris du réel comme d’une petite musique, partition inachevée du monde. Tout est vivant : la mer, la montagne, le vent, le temps qu’il fait, une voix, un fruit. La nature et mon imaginaire. Je prends les choses très au sérieux, elles sont vivantes par leur simple présence et leur existence, même la plus minuscule. Elles nous renvoient à l’état de notre monde où tout se tient : le monde végétal, l’humain et l’animal. Je collecte au long de mes balades et je peins avec et dans de la peinture fraîche, dans l’instant même, en allant chercher le motif dans mes souvenirs. C’est l’impact d’une couleur sur une autre qui me stimule, ce qui se passe entre elles dans l’espace plan (la toile, le papier, le livre, le mur…). Le blanc tient un rôle important dans ce dialogue. Risquer quelque chose de nouveau car, à chaque fois, il y a résistance du matériau, un je ne sais quoi qui advient, inconnu. Être présente à ce qui se produit car rien n’est jamais vraiment établi.
J’entretiens aussi un rapport particulier avec le livre et cela entre dans ma pratique artistique. L’espace de la page est également un espace de création plastique. Depuis 2017, je développe une coopération avec Voix éditions qui à ce jour a donné lieu à quatre livres d’artiste.
On peut suivre mon travail sur mon site, conçu comme une sorte de carnet au long cours sur ma pratique, ainsi que sur mon compte Instagram qui reflète assez fidèlement la vitalité de ma production.
Vous trouverez ici un portrait assez fidèle de mon rapport à la peinture.
J’ai étudié l’anglais et la philosophie tout en suivant des cours de modelage et son corollaire, le moulage. Puis de gravure, avant de reprendre des études en arts plastiques.
J’écris depuis la jubilation du premier glissement de la plume derrière la plus belle des courbes, la plénitude d’un ourlet d’encre façonnant une lettre, une suite de lettres. Faire une boucle, un nœud, un nœud avec une boucle, raconter une histoire protéiforme et singulière, je fais de l’écrit. Gratter, éclabousser, raturer, rater, suivre la crampe ou le délié d’une patte d’insecte, les pleins d’une coque vide sur une déchirure.
Avec le dessin je retrouve le geste de l’écriture, celui de l’enfant qui découvre l’outil et le plaisir des sens lié à celui du sens : la boucle somptueuse dans le mouvement du poignet et la jubilation de sentir le trait aller à la rencontre d’un sens. Tirer sur le fil et découvrir une forme et un sens.
En traçant je me rapproche de quelque chose.
J’écris des textes courts, des fragments, je fais des textimages, textes très courts appliqués sur des sténopés. J’écris en marchant. Un carnet, un crayon et du scotch, retenir un effluve, ramasser une miette, croquer, griffonner dans l’urgence, à la limite de l’équilibre, comme si chaque pas m’était inconnu, en terrain étranger et pourtant reconnu, en trajet souterrain, les mots, les traits surgissent, par accident dirait-on. Marcher avec l’accident, quand les mots n’expliquent pas mais se dévoilent, quand les images cassent le cadre pour faire résonner des terres enfouies et brutalement sentir le monde se frotter à soi. Attraper au vol cette sensation fugace et vertigineuse du réel — c’est le présent d’un mot ou celui d’un tracé, un cadeau dans l’instant.
J’explore les territoires de langues qui me sont étrangères, images naissant des mots, de leur prononciation fragile, maladroite, de leur sonorité saugrenue, délicieuse, un texte à l’intérieur du texte, une matière textuelle en mouvement, tactile, sonore, visuelle.
J’ai publié au cours des dernières années plusieurs grands textes aux éditions
Rue Saint Ambroise et je travaille avec eux depuis 2019 à des traductions. Ce travail de traduction est venu s’intégrer tout naturellement. Il m’a offert une expérience en regard de ma pratique d’écriture, une mise en perspective, un prolongement – se couler dans les mots d’un autre. Une fête.
Et, au croisement des pratiques et des langues, l’improvisation libre et les textes-actions (corps-écriture-son), le plaisir du partage.
On peut suivre mon travail sur mon site ainsi que sur mon compte Instagram .
Hélène Peytavi :
D’abord, il y a la stimulation de découvrir l’univers physique de Butor, son environnement géographique et tout ce qu’il a pu engager sur le lieu lui-même de sa résidence en Haute-Savoie autour du livre et bien sûr du livre d’artiste, doublé de la découverte de l’initiative de l’Archipel Butor, pour valoriser l’accès à son œuvre et à son engagement d’écrivain dans des collaborations avec les artistes. Je crois ensuite que la dimension dialogue entre deux langages – l’écriture et la peinture et sa déclinaison contemporaine a été déterminante, que ce soit pour Isabelle ou moi-même. Enfin, le désir aussi d’être accueillies ensemble dans un lieu de création pour tester et mettre en œuvre une pratique de création dans ces deux champs de la production artistique.
Isabelle Barat :
Ayant depuis longtemps connaissance du travail d’Hélène, j’étais curieuse de savoir ce que pourrait donner une pratique partagée dans un projet commun ; j’étais enthousiaste à l’idée de me lancer dans l’aventure lorsque l’occasion s’est présentée.
Explorer le geste de l’écriture et du dessin dans un espace de « jeu » : la dimension ludique et la dimension de liberté et d’exploration qu’elle met en place — ce livre n’a pas de contours précis, il se fait au présent et chaque jour il naît.
Et bien sûr, réaliser un livre. L’objet livre représente pour moi pour moi quelque chose de précieux, un monde et son odeur, son poids, son volume, sa vie propre. Un monde en mouvement sur des sensations et des émotions. Encore une fois marcher dans les pas de Michel Butor.
Hélène Peytavi :
Non. Ce sera une première et nous en sommes ravies. Ce séjour représente pour nous l’opportunité de confronter nos pratiques artistiques (écriture et peinture), de les frotter l’une à l’autre en prenant des chemins imprévus pour les faire dialoguer. Depuis l’époque de notre rencontre en Arts plastiques à Paris 8, au début des années 90, nous avons progressé chacune dans notre expression artistique, prêtant un regard attentif au travail de l’autre, à l’écoute de son originalité et des échos qu’il suscite en chacune de nous mais nous n’avons jamais créé ensemble et simultanément sur un projet de création commun.
Isabelle Barat :
Nous venons de collaborer sur « Mouvance Terre », un recueil avec mes textes et les aquarelles d’Hélène, paru en janvier de cette année chez Vincent Rougier
accompagné de 4 clips réalisés par Younès Jiar sur des scenarii d’Hélène.
Hélène Peytavi et Isabelle Barat :
La résidence nous permet de séjourner dans un espace-temps en retrait, de bénéficier d’une retraite, loin de la rumeur du monde, de sa fureur et de son lot d’horreurs. Appuyer sur pause, se mettre à l’abri, à l’écoute de l’autre pour se réarmer et affronter poétiquement le monde.
Un temps paisible de confrontation et de partage dans la demeure de Michel Butor en compagnie des livres de la bibliothèque et sur les sentiers alentours. Poursuivre cette balade qui a ouvert et qui imprime son rythme quotidien à la résidence, au fil des gestes, des lettres, des pas, à la rencontre de notre langue du cœur ainsi que le disait Rousseau.
La résidence et, de ce fait, notre vie commune pendant 21 jours consécutifs nous permettra de créer les conditions de concentration et de recherche nécessaires au travail de dialogue — attention à l’autre, allers-retours et prises de risques — nos langues en jeu, à la rencontre de soi après les avoir frottées l’une à l’autre. Un voyage : « Pour que ma voix puisse durer, il lui est absolument nécessaire d’être soutenue par son propre écho. » (in Michel Butor, Répertoire I, édition de « La Différence », 1960)
Hélène Peytavi et Isabelle Barat :
Dans le prolongement d’un atelier de création collective autour du livre d’artiste, nous nous retrouvons toutes deux autour des matériaux collectés lors de cet atelier et nous travaillons, chemin faisant, à la création d’un livre-dialogue.
Les pistes que nous envisageons d’explorer lors de la résidence sont multiples mais ont toutes pour objectif de pétrir une terre du poétique — jouer avec un espace en mouvement, un terrain d’expérimentation et de barbotage où tous les coups sont permis, pinceaux, ciseaux et plumes, tracés-coupés-collés, le texte mordu, modelé par les taches et les coulées faites et défaites par le texte.
Il s’agit pour nous, partant des matériaux glanés en compagnie du public de l’Archipel Butor — les fruits des besaces ainsi que des échanges qui en ont résulté — d’établir des liens entre ces trouvailles et nous-mêmes, d’en tisser un fil qui sillonnera la toile de notre livre-dialogue.
Nous nous proposons, au jour le jour et chemin faisant, de faire jouer les gestes du dessin, de la peinture et de l’écriture au cœur d’une géographie du livre — un lieu et ses histoires, cartographies, cabinets de curiosités, racines, étymologies — et d’explorer des passages qui émergent entre les différentes composantes du vivant, végétal-humain-animal, fugaces, parfois si discrets qu’ils atteignent à peine le seuil de nos perceptions
Cette retraite chez Butor représente pour nous l’opportunité d’être attentives au moment présent et, ce faisant, de porter la « langue du cœur » créée à Lucinges au présent de l’histoire afin de rendre sensible la force du peuple palestinien menacé de disparition pour vouloir demeurer sur sa terre. Contre le risque d’effacement.
Hélène Peytavi :
En 2024, je mène plusieurs projets de front. Tout d’abord, la réalisation d’une commande publique pour la ville de Magny-les-Hameaux (vallée de la Chevreuse) avec le soutien de la DRAC Ile de France : il s’agit de créer le vingtième Livre infini qui rendra hommage à ses morts pour la France avec une classe de la ville. Le projet a été initié en 2004 par l’artiste Marie Ange Guillemot. Nous fêterons donc cette année les 20 ans du projet, avec la clé une exposition personnelle à la maison des Bonheur (la famille de la peintre animalière Rosa Bonheur).
Par ailleurs, je présente à Arles jusqu’en mai mes livres d’artiste à la librairie Archa des Carmes, l’occasion pour moi de les voir rassemblés ensembles, dans le bel écrin (ancien couvent) que constitue cette librairie dédiée à la poésie.
Ensuite, j’exposerai cet été mon travail issu de la résidence de l’automne 2023 de Tokyo à Pont-Aven. Un travail qui confronte l’approche orientale de la peinture à l’approche occidentale.
Enfin, j’ai candidaté à une résidence de création à Cap Martin Roquebrune sur le site d’Eileen Gray et Jean Badovici, le Cabanon de Le Corbusier et l’Étoile de mer de Thomas Rebutato avec les Unités de camping de Le Corbusier, en septembre – octobre autour d’un projet sur la couleur dans l’architecture moderne et la peinture aujourd’hui. J’aurai la réponse à la mi-mars. A suivre…
Isabelle Barat :
Je travaille à Noir dans le noir, une série de textes et dessins en réponse à un appel à contribution de la revue « Rien de Précis » sur le thème de la nuit et du jour.
Chocolate smiles, texte en réponse à Tambours de souffle, in « Télépoésie » Canada, mars 2024
Va sortir courant février : Cousu-décousu, 15 dessins pour porfolio « Les Carrés 379 – Une collection » (chantier n°11)
Je suis en train de réviser avant ré-édition, courant 2024, aux éditions « Rue Saint Ambroise » Les meilleures nouvelles de H.P. Lovecraft, dont j’ai établi l’édition en 2020, fait les traductions et écrit la préface. Vous pouvez écouter un extrait de l’une des nouvelles ici.
Et puis, des textes et dessins pour différents appels à contributions.
Ouvert au public depuis décembre 2013, le musée Médard de Lunel est un lieu dédié à l’histoire de ses collections, au livre, ainsi qu’aux arts et métiers liés au patrimoine écrit.
L’exceptionnel cabinet du bibliophile Louis Médard, placé au centre du musée, permet de découvrir une authentique bibliothèque du XIXe siècle, conservée dans son intégralité. Dans le parcours de visite, les différentes collections du musée dévoilent les témoins patrimoniaux de l’art de la reliure, de la gravure, de la calligraphie et de l’enluminure :
En plus de la présentation de livres et d’ouvrages anciens, qui ne peuvent pas rester exposés sur une trop longue durée, le musée Médard fait vivre, à travers plusieurs dispositifs pédagogiques, l’univers du patrimoine écrit. Il est également ouvert à d’autres expressions (arts plastiques, spectacles), dans le but d’interroger le devenir de la transmission de l’écrit.
Louis Médard (1768-1841) a consacré une grande partie de sa vie à édifier une collection de livres rares et précieux, dans la perspective de la léguer à sa ville natale. Toute sa bibliothèque porte les marques de cette double vocation de bibliophile et d’éducateur. Les préfaces ou les notes manuscrites qu’il a insérées dans les ouvrages, révèlent quels événements, quelles émotions ont déterminé ses choix de collectionneur.
Né à Lunel en 1768, dernier enfant d’une famille bourgeoise de commerçants protestants, Louis Médard est destiné à travailler dans le grand commerce.
Après des études classiques, il devient négociant en indiennes (toiles de coton imprimées et colorées, fabriquées à l’origine en Inde).
Son père possédant une petite bibliothèque, Louis Médard a donc été en contact avec des livres dès son enfance. Toutefois, son tout premier livre occupe une place déterminante dans sa démarche de collectionneur. Au collège de Nîmes, Médard obtient le premier prix de version latine. Il reçoit alors en guise de cadeau d’encouragement les Œuvres de Virgile. Ce livre, qu’il considère comme « [son] plus ancien ami », ne l’a jamais quitté depuis l’âge de 13 ans.
À la fin de sa vie, Médard fait rédiger le Grand catalogue de ses livres à l’intention du maire de Lunel et lègue par son testament l’ensemble de sa bibliothèque (livres, mobilier, tableaux) à sa ville natale. Louis Médard meurt en 1841.
« Je donne et lègue [mon cabinet] en toute propriété à ma ville natale de Lunel, mais aux conditions expresses […] de maintenir en tous temps le Collège, de ne jamais dénaturer en rien ma collection de livres et d’en faire jouir les habitants de Lunel avec l’aide d’un bibliothécaire ».
C’est ainsi qu’en 1857, à la mort de son épouse, les 5000 volumes de la collection ont fait le voyage, en charrette depuis Montpellier, où Médard a fini sa vie.
Le portail des collections permet ainsi au public de s’aventurer dans la collection de Louis Médard, en s’appuyant sur les catalogues qu’il a rédigés, ou encore en utilisant la classification Brunet en 5 grands thèmes dont il s’est servi pour le rangement de sa collection.
Le portail permet également de découvrir la diversité des objets conservés au musée Médard, en lien avec les arts et métiers du livre.
Le musée Médard respecte la conception du collectionneur et la diversité des différentes collections qui s’y sont rajoutées. Vous pouvez parcourir les collections au gré de vos envies, via les sélections du mois sur la page d’accueil, ou plonger dans la découverte des différents sujets via les parcours thématiques.
Les experts trouveront leur bonheur avec la recherche avancée.
Grâce à ce portail, vous pouvez :
Le portail s’enrichit régulièrement de nouvelles notices, suivant la politique active de nouvelles acquisitions du musée.
Peintre, sculptrice et graveuse russo-belge d’origine ukrainienne, Ania Staritsky, née Anna Guéorguievna Staritskaya en 1908 à Poltava (à 300 km au sud-est de Kiev), passe son enfance dans un milieu intellectuel et artistique.
À l’âge de 18 ans, elle entre à l’Académie des Beaux-Arts de Sofia, puis s’installe à Bruxelles en 1932, où, après avoir complété sa formation à l’Institut supérieur des arts décoratifs de La Cambre, elle travaille jusqu’en 1940 comme illustratrice et designer. À cette époque, elle peint une série de portraits figuratifs. En 1941, elle épouse le peintre et médecin belge Guillaume Hooricks (dit Bill Orix), qui participe à la résistance au nazisme. Tous deux sont arrêtés par la Gestapo en 1942. Après la guerre, elle illustre différents ouvrages comme La Dame de pique d’Alexandre Pouchkine (1947) et trois volumes des Amours de Ronsard (1950). En 1952, Ania Staritsky s’installe définitivement à Paris et rompt avec la figuration. Jusqu’à son décès en 1981, elle collabore avec plusieurs poètes dont
Michel Butor, Eugène Guillevic, Pierre-Albert Birot, … pour la création de livres d’artiste en édition limitée. Ses œuvres sont conservées dans de nombreuses collections publiques.
L’exposition présentée au Manoir des livres met en avant le travail de cette artiste à travers la présentation d’affiches – poèmes, de livres d’artiste manuscrits ou imprimés, de maquettes, de plaques de cuivre et d’estampes. Cette exposition fait suite à la donation de Jean-Claude Marcadé en faveur de l’Archipel Butor.
Catalogue édité en 2023 sur les éditions PLI, pour le Manoir des livres.
Textes de Jean-Claude Marcadé, Michel Butor
64 pages • broché • 22€
22 cm x 28 cm
ISBN : 978-2-956-73058-3
Masataka :
Momoko et moi avons eu la chance de pouvoir profiter ensemble de notre année sabbatique et Genève s’est imposée d’emblée comme destination. Ayant vécu six ou sept ans à Paris comme étudiants, nous cherchions à changer de cadre et de perspective. Et puisque nous nous occupons actuellement de la traduction collective des cinq volumes de Répertoire de Michel Butor dont les trois premiers volumes ont déjà été publiés aux Éditions Genki-shobo, il nous a paru opportun de poursuivre nos travaux pour le quatrième volume en respirant le même air que son auteur qui a commencé à enseigner dans cette ville en 1974, année de la publication de ce tome (et aussi celle de ma naissance, soit dit en passant). En outre, je m’intéresse personnellement à la notion particulièrement butorienne du « génie du lieu » et parmi quelques sites importants pour notre auteur, Genève me semblait un peu oublié par rapport à l’Égypte, les Etats-Unis, le Japon, Paris, Rome, Manchester, Venise, Nice, etc., etc. Il va sans dire que la proximité de Lucinges avait un charme non négligeable. Heureusement, on nous a présenté M. Martin Rueff, professeur à l’Université de Genève et grand spécialiste de Rousseau (auteur cher à Butor), qui a bien voulu nous accepter comme « chercheurs d’excellence ». C’est ainsi que nous avons saisi l’occasion de nous installer dans cette ville fascinante.
Masataka :
Comme je vous l’ai dit dans ma réponse à la question précédente, nous étions étudiants à Paris pour préparer notre thèse de doctorat respectivement sur Marcel Proust pour Momoko (Les femmes tutélaires dans À la recherche du temps perdu : Approche intertextuelle de la figure de la servante, Honoré Champion, 2022) et sur Jules Verne (Le projet Verne et le système Hetzel, Encrage, 2015) pour moi (deux autres auteurs chers à Butor). Mais nous n’avions jamais eu l’occasion de séjourner en Suisse sauf quelques passages très rapides. En ce qui me concerne, la Suisse a été depuis toujours liée au nom de Sherlock Holmes ; c’était justement pour visiter les chutes de Reichenbach que je suis venu pour la première fois dans ce pays il y a 27 ans.
Masataka :
Le premier livre que j’ai lu de Butor est L’Emploi du temps traduit par Toru Shimizu et illustré par Gregory Masurovsky. J’avais alors seize ans et n’avais jamais lu un roman pareil, ni au niveau de la forme ni de l’écriture. La liste des publications du même auteur, que j’ai trouvée à la fin de la version japonaise de Degrés (réalisée par un autre traducteur), m’a montré qu’il restait encore tellement à lire que j’ai décidé d’apprendre la langue française à l’Université. Dès l’origine, mon désir de lire les œuvres butoriennes non traduites en japonais se confondait avec celui de les traduire ; c’est que j’aurais voulu écrire comme lui. Or, je le répète, ce n’était pas à Michel Butor mais à Jules Verne que je devais consacrer mon mémoire de maîtrise, celui de DEA et ma thèse de doctorat ; Butor était tout simplement trop difficile pour moi… Après la soutenance de ma thèse et donc mon retour au Japon, j’ai rencontré un éditeur plus jeune que moi et qui se considère toujours comme butorien, Kentarô Nakamura. Quand Butor est venu au Japon en 2008, Kentarô m’a beaucoup aidé à organiser un colloque international autour de notre écrivain. Et juste après la mort de Michel Butor en 2016, Kentarô m’a proposé un grand projet : publier les Œuvres choisies de Michel Butor ! On a donc commencé à viser la Lune pour réaliser une partie de ce projet ambitieux, soit une traduction intégrale des cinq volumes de Répertoire.
Momoko :
Lorsque Masataka m’a parlé de ce projet, je n’étais pas trop sûre de pouvoir y arriver non seulement à cause de de la quantité de ces essais, mais aussi des sujets traités si étendus. Et pourtant, Masataka et Kentaro ont travaillé avec de la patience et une passion incroyable. Moi-même j’ai traduit une dizaine d’essais pour les trois premiers volumes, soit ceux sur Apollinaire, Poe, Cervantès, Laclos, Dostoïevski, Faulkner, Hokusai, contes de fées (Perrault, Madame d’Aulnoy), etc… A part Apollinaire à qui Butor consacre ses cours de l’année 1980-81 à l’Université de Genève, Butor semble avoir écrit un essai sur ces auteurs surtout à la demande de revues, d’éditeurs… donc un peu par hasard. Autrement dit, ces auteurs ou sujets se situent aux marges ou à la frontière de l’Univers Butor et les textes sur eux n’auraient pas été écrits, ces derniers faisaient donc partie des sujets potentiels et endormis. D’où l’aspect d’une causerie spontanée et improvisée de ces courts essais apparemment écrits d’une manière un peu différente que celle de traiter des auteurs du canon de la littérature française tels que Rousseau, Balzac, Hugo, Proust etc… Digressions d’une grande digression qu’est la série Répertoire, ils nous permettent de percevoir l’étendu et les possibilités d’un réseau étonnamment souple et changeant.
Masataka :
Il est pour moi un vrai maître dans le domaine de la littérature. Je ne m’en suis réellement rendu compte que lorsque la traduction collective de Répertoire a enfin démarré en 2019 : j’étais obligé d’organiser une équipe et de nous répartir la tâche. Traduire un auteur, c’est le meilleur moyen de le comprendre, dit-on souvent. Mais je voudrais corriger cette formule pour l’appliquer, pour l’instant, uniquement au cas de Butor en disant que traduire un auteur avec des autres, c’est le meilleur moyen de le comprendre. Le texte de Butor, avec tout ce qu’il y cite abondamment, n’avait jamais pénétré en moi plus profondément que lu avec sa traduction par d’autres. Je croyais avoir compris que la lecture, activité par excellence d’ouverture sur autrui, était le fondement de l’œuvre butorienne et je l’ai même écrit dans mon ébauche du prospectus des Œuvres choisies – mais je ne l’avais compris que théoriquement. Ce n’est que lorsque j’ai renoncé à le lire et à le traduire tout seul que j’ai réellement rencontré Michel Butor. Répertoire ne m’enseigne pas seulement sur les auteurs et les peintres qu’il traite, mais ce en quoi devrait consister la littérature.
Momoko :
Je me souviens de ma première lecture de La Modification en français, lors de mon premier voyage en Italie il y a une quinzaine d’années. L’écriture de Butor est ainsi mêlée intimement avec mon voyage personnel.
Masataka :
Évidemment, j’ai été ému en me trouvant pour la première fois devant cette maison. L’écrivain l’a achetée juste deux ans avant sa retraite, ce qui signifie qu’il a choisi Lucinges non pas pour une quelconque commodité mais parce que cet endroit lui convenait parfaitement pour y rester jusqu’à ses derniers jours. Il me semble que ce choix a fait de Lucinges une de ses œuvres. La tombe de Michel et de Marie-Jo donne sur un panorama splendide et (si j’ose imiter la fin de « Propos sur le livre aujourd’hui », essai que je viens de traduire) à travers ce « don, » Butor devient élément du génie du lieu de ce petit village. Quant à son bureau, c’était un espace à la fois extrêmement intime et extrêmement ouvert. Autrement dit, je ne me sentais nullement comme intrus ni invité. Cette impression venait des innombrables petites œuvres d’art qui envahissent tous les recoins et les interstices de ce vaste bureau. Les auteurs de ces œuvres d’art, ce sont tous des amis et surtout des collaborateurs de Butor. Représentant donc un lien entre leur auteur et Butor, ces objets sont aussi privés que publics. Puisque les œuvres butoriennes partagent justement ce caractère double, leur admirateur se trouve, dès son entrée dans ce bureau, bien à l’aise et disposé à explorer ce petit univers qui donne sur l’univers extérieur.
Momoko :
Je trouvais toujours quelque chose de féérique dans la personne de Butor et le village de Lucinges m’a confirmé cette impression. C’était comme dans un conte de fées avec Butor en salopette en tant que personnage (comme ce garçon en salopette jaune dans Les Trois Châteaux, illustré par Titi Parant). Et la rencontre avec Martine Jaquemet, collaboratrice de Butor et artiste représentant le village et habitant au cœur même du village mais au fond d’un petit jardin fleuri… Quoiqu’isolé du reste du monde (pas de supermarché !), Lucinges est culturellement raffiné. J’ai trouvé tout à fait justifiée l’étymologie selon laquelle Lug est à l’origine de ce nom de lieu. Et le bureau de Butor avec ses trois grandes tables (une avec un ordinateur, une pour fabriquer des livres d’artiste, une pour la correspondance…) m’a fait penser au triangle dont parle Kenzaburo Oé, pour qui la circulation entre lecture, traduction (non pas en vue de la publication, mais pour faire un aller-retour des langues) et écriture permet à Oé, qui a débuté son carrière d’écrivain si jeune, de continuer à écrire durablement (c’était la leçon de son maître, Kazuo Watanabé, grand spécialiste de Rabelais). N’y a-t-il pas là aussi le secret de sa longévité en tant qu’écrivain et homme ?
Masataka :
Étant donné que le texte est indépendant de son auteur, le lecteur n’a pas besoin de connaître celui-ci : je trouve ce « principe » tout à fait juste, ce qui ne m’empêche pourtant pas de vouloir visiter les lieux concernant d’une manière ou d’une autre mes écrivains préférés. Ces visites ont pour effet d’augmenter mon amour pour eux et de me permettre par cela même de mieux comprendre leurs œuvres. Le problème, c’est qu’il est souvent difficile de distinguer un amour d’un culte. En général, la maison d’un écrivain, si elle subsiste encore aujourd’hui, est habitée par d’autres personnes ou transformée en musée. Dans le premier cas, le respect dû à la vie privée des habitants actuels impose une distance qui finira par sacraliser la demeure en question. Dans le second cas, les reliques exposées derrière la vitrine auront le même effet de sacraliser l’ancien maître du lieu. La maison de Michel Butor ne correspond à aucun de ces deux cas. Certes la porte du bureau de l’écrivain reste verrouillée sauf lors des visites guidées – mais cette situation n’est-elle pas à peu près la même que de son vivant ? On évitait de le troubler dans ses travaux. Le reste de la maison, excepté l’atelier de Marie-Jo situé juste au-dessous du bureau, reste intact et vidé de ses meubles remplacés par d’autres nouvellement achetés par la municipalité. On pourra donc circuler librement à l’intérieur et aspirer l’« élément » dans lequel se tissait l’écriture butorienne surtout pendant la nuit où on n’entendra rien et ne verra aucune lumière à part la nature environnante elle-même…
Momoko :
C’était une chance incroyable pour nous de pouvoir résider dans ce lieu de création. Même si la maison est très grande pour nous deux, on ne se sentait pas seuls mais très détendus et même protégés. C’est sûrement grâce au génie de la maison. J’avais une sensation semblable dans la maison de Victor Hugo à Paris. Cette capacité à accueillir tout l’univers, c’est justement le point commun de ces deux auteurs…
Masataka :
Je me suis toujours intéressé à l’abandon du genre romanesque par Michel Butor. Pourquoi celui qui a tant privilégié ce genre et réalisé quelques exemples décisifs n’a-t-il plus rien écrit dans ce domaine ? Lors du colloque en 2017 à Tokyo, j’ai essayé de répondre à cette question et cela en présence de l’auteur de La Modification et en comparant ses quatre romans avec ceux de Jules Verne (dont on peut lire le texte dans les actes du colloque publié sous le titre de Michel Butor : à la frontière, ou l’art des passages). Butor lui-même en donne la raison : l’espace des Etats-Unis a fait exploser le roman. Mais ce n’est qu’en 1967, soit sept ans après sa découverte de ce pays que le projet du cinquième roman, Les Jumeaux, est définitivement abandonné. Les choses sont donc plus compliquées que l’explication selon l’auteur. Au début, le roman était pour Butor le moyen privilégié de surpasser une série de dichotomies à commencer par celle entre la banalité et le sacré, équivalente à celle entre le roman et la poésie. Or le roman tel qu’il le nomme « poésie romanesque » ne réussira à unifier ces deux éléments opposés que grâce à l’unicité de l’histoire, comme il le dit dans « Réponse à Tel Quel », essai qui conclut Répertoire II : « Je me suis aperçu qu’on ne pouvait parler de roman que lorsque les éléments fictifs d’une œuvre s’unifiaient en une seule « histoire », un seul monde parallèle au monde réel ». La poésie romanesque est maintenant le résultat de la généralisation qu’il a « dû subir à la notion du roman » et il est passé à « un triangle dont les pointes seraient le roman au sens courant, le poème au sens courant, l’essai qu’on le pratique d’habitude ». Cette « modification » est mise en scène dans Répertoire II, recueil d’essais disposés en diptyque : première partie composée de dix articles théoriques sur le roman et seconde partie composée de dix monographies sur divers auteurs y compris Butor lui-même. La dichotomie entre la généralité et la particularité me semble surpassée dans ce « sur-roman » par l’intermédiaire des citations souvent excessivement longues. Refoulées dans le roman, celles-ci révèlent la tromperie de la puissance unificatrice du roman, car ce dernier « résout » la dichotomie entre la parole de son auteur – assimilée à l’écriture – et celle des autres – assimilée à la lecture – en privilégiant la première au détriment de la seconde. Or aucune parole n’est à l’auteur et la citation est un acte qui consiste à effacer la différence entre l’écriture et la lecture. Selon Butor, surpasser la dichotomie ne doit pas aboutir au refoulement d’un élément par l’autre mais l’égalité entre les deux. C’est pourquoi le cinquième roman aurait dû explorer la potentialité de « la première caractéristique du livre occidental », celle refoulée précisément par l’unicité d’histoire : « la présentation en diptyque » (« Le livre comme objet »). La page de gauche doit être aussi « bonne » que celle de droite. Il en est de même pour la dichotomie entre le texte et l’illustration. En passant du « roman » au « livre », Michel Butor révèle qu’ils sont tous les deux une idéologie extrêmement puissante et fondamentale pour la civilisation occidentale. Par exemple, nous les Japonais sommes surpris qu’une simple inscription sur un éventail fasse de celui-ci un « objet-livre ». Pour nous, il est si normal d’écrire un texte sur un objet que cela ne change rien. Nous nous apercevons ainsi que contrairement au Japon où la frontière entre le texte et l’image est fort estompée, l’écriture se distingue tellement de l’image chez les Occidentaux qu’elle sait transformer tout en « livre ». De même, chez nous, quelles que soient la longueur, la façon d’écrire, tout peut s’appeler « roman » (ainsi on a un roman débordant de citations comme La comédie divine de Kyojin Onishi). Les efforts de Butor pour rendre libératrice la puissance de ces idéologies occidentales sont donc bouleversants pour nous ; ils nous font découvrir à la fois la culture occidentale et notre propre culture. De ce point de vue-là, ses livres d’artistes détiennent la clef de l’Univers Butor.
Masataka :
Il faut d’abord amener à son terme la traduction intégrale des cinq volumes de Répertoire. J’avais supervisé les Œuvres choisies de Jules Verne en cinq volumes et si possible, je voudrais publier encore cinq nouveaux volumes pour le même auteur. Quant à Michel Butor, je caresse le projet de traduire Description de San Marco mais mon ambition a pour objets Degrés et Mobile.
Momoko :
Je suis en train de traduire Les mots dans la peinture et s’il y avait un éditeur favorable à mon projet, j’aimerais traduire Le musée imaginaire de Michel Butor, aussi éclairant et éducatif que ce premier. Je rêve aussi de publier Loup gris, loup bleu, dont j’ai fait déjà la première version en japonais (j’adore les illustrations puissantes de Kaviiik !). Par ailleurs, je souhaite pouvoir traduire un jour des œuvres de Philippe Jaccottet.
Exemples de traductions de certaines œuvres de Michel Butor en japonais par Masataka Ishibashi et Momoko Fukuda.
Pour la 3ème édition de sa résidence de création, l’Archipel Butor a la chance d’accueillir à Lucinges Justin Delareux et Alexis Judic.
Nous leur donnons la parole pour faire connaissance
Je suis né en 1987, je suis artiste, poète (ou écrivant), créateur de la structure éditoriale Pli et de la revue éponyme. Diplômé d’un DNSEP en 2010, je poursuis depuis un travail quotidien de création, de réflexion (dessin, photographie, écriture.s) et d’édition, sans pour autant faire de l’édition une profession.
Je mène une recherche pluridisciplinaire. Cependant, le dessin, la photographie et l’écriture restent des pratiques quotidiennes depuis une quinzaine d’années, une approche nourrissant ou complétant l’autre ; sorte de dialogue logique, où d’un matériau à l’autre, d’un outil à l’autre, on fabrique des correspondances, des échappées, des retraits comme des refus, des chemins de lecture, on les révèle. L’écriture est parfois un choix, une combinaison, entre formes et moyens ; il y a l’écriture stricte, au sens où il s’agit de textes ; poésie ou essais (Extrait des nasses, Parloar, Écrase-mémoire), fragments et articles en revues/journaux (« Aux territoires imprenables », « Misères de la technique », « Forme juste sans moyens », etc). Puis parallèlement, une approche plastique de l’écriture où j’expérimente avec ses matérialités, les processus et les contextes (Actes-Textes, Destituants, Métagraphies) jusqu’à retrouver ou retourner au dessin, sous une forme d’écriture sans mots (Masses-Temps, Chronographies), considérant ces réalisations comme une sorte de documentation matérielle de la pensée, documents ou travaux que j’expose et dispose au grès des invitations. Cet ensemble constitue pour moi une pratique entière et fragmentaire, dont le fond, scriptural et politique, pourrait être le liant. Ce liant ne pouvant être que lié à une forme de vie que je souhaite tenir comme une vérité, qui n’est pas une pratique-passion comme on a souvent l’habitude de l’entendre, et de plus en plus hélas.
Concernant l’édition, j’ai toujours perçu le livre comme un lieu, un lieu qui se passe de mains en mains, un lieu fait de sédiments, où une somme de propositions hétérogènes, propositions-mondes, peuvent se répondre, faire sens et dont la portée, dans le temps, reste imprévisible. Un lieu comme un projectile. J’ai créé la structure éditoriale et associative Pli en 2012 ; en 2013 sortait le premier numéro de la revue éponyme. Je terminais depuis peu mes études, je n’avais pas d’espace où travailler, et je constatais également un écart grandissant entre les contextes critiques, sociales, politiques, de vie, et le milieu littéraire ou plus largement, artistique. Le premier numéro de la revue est né de cette ambition : faire lien entre les générations, jeunes auteur.es et auteur.es confirmé.es, anonymes, amis, artistes, poètes et théoriciens, en leur offrant carte blanche fond et forme, une revue sans thématique imposée, donc. Et le pari était pour moi de démontrer sans le revendiquer qu’un fil commun allait se dessiner par le fait. Ce qui a toujours été le cas, depuis 14 numéros et plus de 200 auteur.es publié.es. Cette aventure de la revue, ou de l’œuvre commune, reste une prolongation d’attentions et d’intentions littéraires et artistiques, c’est aussi une sorte de ponctuation au cours d’une année de recherches que j’ai toujours voulu vivante et disons, prolongeant le geste artistique. Plusieurs livres sont sortis ces 10 dernières années, en dehors de la revue. J’ai également tenu à diffuser ces ouvrages, ce qui m’a permis de conserver un lien direct, un échange réel avec les lecteurs.trices et les auteur.es. Il en va de même pour le façonnage des couvertures, toujours réalisées à la main, par divers procédés, un espace d’intervention, de création faisant de chaque livre un exemplaire unique. Puis il y a également les livres uniques, qui sont presque des points de jonctions, mi-chemin entre l’édition et la création, toujours ancrés à la vie et détachés de toutes sorte d’impératifs. La plupart de ces livres uniques que j’ai fabriqués jusqu’à présent étaient destinés à des amis, parfois des lecteurs qui soutenaient la revue, ou étaient parfois ponctuation dans potlatch, matériaux d’échanges et de mémoire, d’une mémoire immédiate et adressée.
En septembre de cette même année (2023) j’inaugure un nouvel espace, avec la parution du livre Club bizarre, de Nathalie Quintane et Stéphane Bérard, toujours aux éditions Pli, mais cette fois, en lien avec un diffuseur et un distributeur. D’autres ouvrages suivront sûrement, toujours dans la poursuite des liens sensibles et effectifs, parmi des gestes artistiques, historiques, politiques. Toujours avec la même lenteur et la même attention, ne pas devenir éditeur, donc.
Je suis né en 1983, je vis et travaille à Saint-Nazaire.
Diplômé de l’Ecole Supérieure des Beaux-Arts du Mans. Je présente mes créations depuis 2009 dans des expositions personnelles ou collectives, en France ou à l’étranger (Canada, Etats-Unis, Belgique). Je pratique l’assemblage, l’installation, le montage de formes et d’espaces et la création d’objets.
En « archéo-anthropologue des formes perdues », j’interroge des structures architecturales, des sites utopiques et des objets complexes (polyèdres, géodes, …), pour développer un art de constructeur, en prise avec la mémoire et l’histoire, susceptible de révéler la « survivance des fantômes ».
Mon enquête plastique autant qu’existentielle sur le destin d’œuvres et de lieux de la fin de la modernité – comme Spiral Jetty, de Robert Smithson, ou la ville utopique de Drop City – témoigne de ma prise en charge, par la pensée et la pratique, d’une époque nouvelle où le modernisme lui-même semble relever de l’archéologie.
Mes constructions matérielles, sont bien des concrétions de pensée, des lieux de mémoire et l’affirmation toujours renouvelée de l’action constructive comme contribution humaine.
Justin Delareux :
J’ai réalisé mon premier livre unique (et pauvre) à 15 ans : il s’agissait d’une anthologie de poésie surréaliste ayant pour trame commune le Temps, relié avec une épingle à nourrice… J’ai repris la fabrication de livres pauvres lorsque j’étais étudiant aux beaux-arts, c’était devenu pour moi un moyen de regrouper textes, dessin, collages, estampes, déjà, un moyen de lier des mondes. Puis, il y a eu la revue Pli. Mais je n’ai pas cessé pour autant la création, ponctuelle, de livres uniques, comme je le précise plus haut. Je ne suis pas un lecteur de roman, ou alors pas encore. C’est par le biais des livres pauvres que j’ai entendu parler du travail de Michel Butor, lorsque j’étais étudiant. De fil en aiguille, les années passent et j’apprends qu’il existe un lieu où l’on accueil des écrivains, des binômes artistes-écrivains (l’Archipel Butor, donc). L’an dernier, j’ai raté l’appel à candidature, j’étais en plein déménagement, le temps manquait. Puis il faut dire aussi, que je suis assez peu à la recherche de résidences de création, dans la mesure où j’ai deux petits garçons, et qu’il est parfois difficile de concilier la vie et ce genre de déplacement sur de longues périodes. Cette année, j’ai eu la possibilité de candidater, et candidater pour une résidence à l’Archipel Butor m’a semblé être une sorte de logique pleine de sens, une poursuite étendue de ce qui me travaille depuis pas mal d’années maintenant. Le fait que la résidence soit proposée à des binômes m’a d’autant plus motivé que nous avons candidaté avec l’ami et artiste Alexis Judic, avec qui j’ai déjà travaillé par le passé, et avec qui j’ai d’ailleurs d’autres projets en cours (nous discutons la forme livre depuis quelques temps). Bref, la possibilité de dégager du temps, un espace et un financement pour réaliser quelque chose qui nous tenait à cœur et en parfaite adéquation avec le lieu, m’a semblé être une possibilité heureuse.
Alexis Judic :
C’est Justin qui m’a parlé de la résidence, de sa particularité, et de la possibilité de candidater en binôme. Nous nous voyons régulièrement avec Justin et depuis longtemps nous avions envisagé de travailler la question du livre.
Oui, nous avons déjà réalisé plusieurs expositions ensemble, ainsi qu’une lithographie, sous un pseudonyme commun, à savoir « Groupe Rembrunir ». Il s’agissait à la fois de mettre nos noms respectifs de côté au profit d’installations ou de divers déploiements, mais également de faire sens à travers des propositions hétérogènes, sûrement liées par des préoccupations communes ; l’histoire des arts, de l’architecture, de la peinture, le monde dans lequel nous vivons, dans lequel avons grandi et grandissons encore, les minimalistes, la techno et quelques visées critiques également, souvent.
Entre 2015 et 2016 nous étions accueillis au DomaineM, un lieu de résidence dans l’Allier, porté par l’historien de l’art Michel Cegarra.
Justin Delareux :
La résidence sera fragmentée en trois ou quatre temps. Nous avons convenu de plusieurs dates où nous pourrions chacun nous libérer, ce qui n’est pas toujours évident. Il devrait y avoir un premier temps de rencontre en septembre, avec le lieu et les personnes qui s’occupent des structures amies, ce sera également un temps possible où nous pourrions présenter nos travaux et recherches respectives, ainsi que notre projet commun pour cette résidence. Il y aura aussi un temps d’atelier, sûrement avec des étudiants des Beaux-arts, toujours autour du livre, de l’édition, des écritures, des images, puis un temps de création et de restitution, qui, nous l’espérons, nous permettra de présenter nos livres impossibles. Alexis Judic et moi vivons dans la même ville (Saint-Nazaire) ce qui nous permettra de travailler ce projet sur un temps plus étendu.
Alexis Judic :
Nous avons plusieurs pistes sur la table, une idée de fond serait celle de livres impossibles. Nous imaginions des livres en béton, en bois, fragiles, à lecture unique. Nous souhaiterions surtout travailler la matérialité, au sens entier du terme, des livres sculptures. Mais nous ne souhaitons pas trop en dire, car il nous faut encore expérimenter avec les matériaux envisagés, et quelques outils dont nous ne disposons pas encore.
Justin Delareux :
Pour ma part, une exposition collective (H2O) en octobre prochain à la galerie des Franciscains (Saint-Nazaire), et le début d’un long travail de dessin (Masses-Temps, Chronographies), dont une partie pourrait être présentée au salon du dessin contemporain à Paris, en mars 2024. Ce projet va me prendre beaucoup de temps. J’imagine une exposition de ces dessins à l’automne 2024 à Rennes, si tout va bien, à Nantes et Saint-Nazaire également. Je pense aussi profiter du commencement de cette résidence à l’Archipel Butor pour reprendre la fabrication de livres uniques, sur une année également, d’autant plus que je collecte des matériaux depuis plusieurs mois, il serait temps. J’envisage aussi l’écriture d’un long texte pour un travail vidéo qu’Alexis Judic a débuté, je n’en dit pas plus. Concernant les publications, en tant qu’auteur, je viens de publier l’extrait d’un texte en cours d’écriture dans le dernier numéro de la revue Teste, véhicule poétique, et un texte théorique sera publié dans la revue INTER (Québec) ce mois de septembre 2023, ce sera une sorte d’étape, car je travaille à la rédaction de plusieurs textes en ce moment même, et cela devrait durer dans les mois qui viennent.
Avec les éditions Pli, il y a la sortie, en septembre toujours, de Club bizarre, (Nathalie Quintane et Stéphane Bérard), le livre sera disponible dans toutes les bonnes librairies indépendantes de France, de Suisse et de Belgique. Nous faisons une première présentation du livre le 11 octobre 2023 à Paris (librairie L’Atelier), puis je serai présent au salon des revues, à Paris toujours, la même semaine. Puis je me garde la possibilité de réaliser une édition suite à notre résidence à l’Archipel Butor, mais pour l’instant (nous sommes en août) il est trop tôt pour en dire plus.
Alexis Judic :
Je suis actuellement en préparation d’un projet de film de 24 heures qui utilise en partie l’intelligence artificielle et dans le même temps, je vais réaliser une formation dans le travail du bois.
Joël Bastard est né en 1955 à Versailles.
Poète, romancier, dramaturge… il réalise de très nombreux livres d’artiste et participe régulièrement à des lectures publiques en France et à l’étranger, seul ou accompagné de musiciens. Il a publié près de cinquante livres dont sept aux éditions Gallimard.
LA DÉGUEULE, avec une préface de Paul Méline en 1974, tapé à la machine à écrire et illustré est mon tout premier livre d’artiste ! Je ne savais pas à l’époque que cela pouvait s’appeler ainsi, j’ignorais tout de ce monde. J’en ai réalisé plus d’une douzaine en solitaire jusqu’en 1986, uniquement pour rendre visible mes textes, en toute liberté d’action et de réinvention du livre ! À cette date, je rencontre Patrick Devreux avec qui je réaliserai mon premier livre accompagné, DÉSIRS ESQUIMAUX. Nous avons beaucoup discuté ensemble pour le penser, le concevoir et dans mon cas apprendre auprès de lui ce que pouvait être un livre d’artiste. Mon deuxième livre, LA VOLEUSE D’OMBRE, a été fait avec Evelyn Gerbaud ! Tous les deux, artistes peintres, lithographes et graveurs vivent et travaillent à Saint-Christol-de-Rodières dans le Gard. En 1994, une autre rencontre fut décisive, et a changé également ma vie, celle d’Éric Coisel des éditions « Collection Mémoires ».
Une place primordiale et grandissante au fur et à mesure de tout. De mon parcours, de mes rencontres et de ma vie courante. C’est aussi mon laboratoire d’écriture et de recherche. Ce dialogue me plaît, m’interroge, me triture, me provoque, m’enrichit et me fait écrire des textes que je n’aurais jamais pu et penser écrire sans la proximité de l’autre. Sans ce télescopage insensé, cette friction innovante, ce rapprochement des arts.
500. Certains sont imprimés mais en général ils sont manuscrits. Toutes les formes et les matières m’intéressent, toutes les manières techniques d’intervenir pour chacun d’eux. Tout est livre, il nous suffit d’un bâton sur une plage pour l’écrire. De la neige tombée sur le capot d’une automobile, sur la buée d’un carreau de fenêtre. J’aimerais écrire au laser dans le ciel, sur la façade des immeubles, sur les arbres, sur l’eau ! Pour moi, tout est livre…
Dans la plupart des cas c’est le choc visuel devant l’œuvre qui provoque immédiatement mon écriture. Ce désir simple, évident d’écrire et j’aime vivre cette évidence en toute naïveté. J’aime frissonner pour m’abandonner à l’image et aux sens. Cela m’arrive souvent de vivre aussi intensément cet état avec des artistes comme Koschmider, Jean Anguera, Patricia Erbelding, Marie L., Tony Soulié, Mark Alsterlind, Jephan de Villiers, Joël Leick, … des éditions « Collection Mémoires » et avec bien d’autres comme Patrick Devreux, Michel Vautier, Evelyn Gerbaud, Mylène Besson, Jean-Michel Marchetti, Jane Le Besque, Edward Baran, Coco Téxèdre, …
D’être moins seul ! D’établir des connivences fraternelles et artistiques. Je fais des livres d’artiste pour vivre une aventure avec l’autre et enchanter ma vie. Pour être provoqué dans ma vie d’écrivain. J’aime la compagnie des artistes, c’est aussi simple que ça ! Ils enrichissent mon regard et ma pensée.
Je l’ai rencontré deux fois, à Lucinges ! La première fois en 2012, j’ai échangé deux mots avec lui au salon du livre qui se tenait sous un chapiteau étouffant de chaleur. La deuxième fois c’est en 2013, pour une lecture de textes issus des Livres Pauvres. Nous en avons lu ensemble avec Daniel Leuwers, Jacques Ancet et Joël Vernet. Ayant cette fois-ci passé beaucoup plus de temps en sa compagnie, nous avons échangé encore deux mots, ça fait donc quatre ! Lors d’un repas qui a suivi la lecture, il a sorti sa trousse de crayons de couleur près de son assiette, avec les yeux d’un enfant qui fait croire à tous ceux qui ne le connaissent pas qu’il est seulement âgé ! J’étais très impressionné par cet auteur qui ne ratait pas une occasion de faire un livre…
Comme un des évènements les plus importants dans mon parcours littéraire. Tous ces livres représentent des jours et des jours d’existence, d’images et de sensations, de dialogues avec l’autre ! Comme une occasion formidable de mettre en avant les artistes que j’aime et admire. Je vais pouvoir les montrer au public dans un espace unique et inespéré.
Éditions courantes :
JOURNAL DE LA CONTRE-CLEF, Illustrations de l’auteur, Al Manar, 2023.
LES COUVERTURES CONTEMPORAINES suivi de LE PRINCIPE SOUTERRAIN (Poèmes) Gallimard, 2024.
FILUMENA (Roman) Belfond, 2024.
Livres d’artiste :
MÉFIEZ-VOUS DES TULIPES, avec Ricardo Mosner, Cahier du Museur, 2023.
SOUS LES DOIGTS DE L’URUBU, encres au Mikado de l’auteur, édition Ségust, 2024.
…
Spectacles :
Sandrine Bonnaire (Lectrice) et Érik Truffaz (Trompettiste, composition inédite pour ce récit)) ont entamé une tournée en Suisse, France et Italie en 2020 pour jouer son livre LA CLAMEUR DES LUCIOLES (écrit à Montréal et illustré par CharlÉlie Couture).
Il joue aussi un spectacle totalement improvisé, textes et musique, avec le musicien Carlos Baumann, SIGNALS.
Son livret d’opéra, HARU, avec Romie Estèves (conceptrice Mezzo-soprano), Camille Rocailleux (compositeur), Jean-Yves Ruf (metteur en scène) est actuellement en répétition pour être joué en 2024.
Je suis responsable de l’artothèque de la médiathèque Bonlieu d’Annecy depuis 2013.
A ce titre je m’occupe de la gestion de la collection de l’artothèque : prêts aux particuliers et collectivités, accueil du public, médiations, expositions, acquisition, conservation, etc.
Depuis 2017, je m’occupe aussi des acquisitions des livres d’artistes dans une volonté de renforcer la complémentarité entre ces deux fonds.
Cette collection voit le jour en 1981, mais l’histoire de son apparition au sein de la médiathèque Bonlieu est peu connue. Il est probable qu’il y ait eu une volonté de l’ancienne responsable de l’artothèque de regrouper cette collection en lien avec la création de l’artothèque.
De plus, de nombreux ouvrages qui étaient présents dans les magasins ont été extraits de ceux-ci pour former un fonds indépendant. Il est également possible que des artistes ou poètes locaux se soient manifestés auprès de la médiathèque faisant ainsi naître l’idée du fonds « Bibliophilie ».
Le fonds spécialisé de Bibliophilie contemporaine compte en 2022 484 ouvrages remarquables par leur forme ou leur contenu, fruits d’une collaboration artistique entre des plasticiens, des écrivains, des éditeurs et des typographes. Dans une complémentarité avec les fonds de l’artothèque, ce fonds valorise la diversité du livre d’artiste contemporain en présentant la variété des techniques graphiques et plastiques ainsi que l’originalité des supports et des formes.
Dans ce fonds se trouvent plusieurs types de livres : les livres d’artistes, le livre objet qui déconstruit la forme traditionnelle du livre et enfin le livre de bibliophilie qui implique une collaboration entre écrivains et illustrateurs. Il est également constitué d’un fonds de livre pour la jeunesse (Julia Chausson, May Angéli, Katsumi Komagata, …)
Le fonds s’enrichit chaque année grâce à un budget d’acquisition dédié.
Le grand livre / Philippe Favier
Je s’aime / Fabrice Hyber
Le cœur à Gaz / Tristan Tzara – Sonia Delaunay
Géométrie dans les mains / Giuseppe Penone
Voyage en Antarctique / Xavier Veilhan
Silvermine Albums / Thomas Sauvin
Wombat n°30 / Liu Bolin
Livre Noir / Bernar Venet
A bout touchant / Nicolas Daubanes
Auparavant, il existait le “Midi du bibliophile”, une animation régulière qui mettait en avant les livres d’artistes mais actuellement, il n’y a que peu de médiation avec le public sur ce fonds très riche et complémentaire de l’artothèque mais qui reste encore méconnu.
La valorisation des documents du fonds passe essentiellement par les expositions en vitrine et un peu de médiation se fait pour certains ouvrages avec des articles sur le portail ainsi que lors des “Renc’Art”, lorsque cela s’y prête.
Les nouveaux livres d’artistes sont systématiquement montrés sous vitrine lors de l’exposition des « Nouvelles acquisitions de l’artothèque » chaque début d’année et des visites commentées sont proposées.
Enfin, des mises en avant ponctuelles se font régulièrement comme avec une petite exposition hommage en 2022 à Yves Mairot présentant ses œuvres et des livres d’artistes acquis par la médiathèque.
Oui, une bonne partie du fonds est constituée d’ouvrages associant poésie et création plastique.
Notamment les ouvrages des éditions Index (Laurent Né) ou le Verbe et l’empreinte, et des auteurs comme Jean-Pierre Geay, René Bonargent, Jacques Ancet, Michel Butor, …
Une réflexion globale est en cours pour améliorer la visibilité et la valorisation du fonds. Lors des prochaines Journées Européennes du Patrimoine, nous présenterons une sélection de livres d’artistes dont les auteurs sont également présents dans la collection de l’artothèque afin de montrer la complémentarité des fonds. Nous souhaitons aussi réaliser une courte vidéo présentant le concept du livre d’artiste et la diversité du fonds, cette vidéo sera diffusée sur le portail des médiathèques. Enfin, nous réfléchissons à d’autres types de valorisation numérique notamment via Instagram.
J’ai eu une carrière professionnelle de publicitaire en agences, riche en rencontres et projets depuis les années 80. A partir des années 90, je me suis orientée vers la communication éditoriale et digitale dans le secteur des télécommunications.
J’ai toujours dessiné et ai été fascinée par les arts plastiques. C’est Léonard Cohen, Brassens… qui m’ont ouverte à la poésie, puis la lecture de Baudelaire, Reverdy, René Char, … Mes rencontres avec les créatifs, les artistes m’ont toujours inspirée et nourrie.
Bernard Alligand, mon époux, collaborait depuis quelques années avec plusieurs éditeurs dont les éditions, Matarasso, de Rivières, Arichi… et a réalisé des livres d’artiste avec plusieurs poètes dont Jean-Pierre Geay, Michel Butor, Kenneth White, Régine Detambel, … J’étais admirative de ce médium, œuvre littéraire et œuvre d’art qui invitait (presque) tous les sens ; la vue, le toucher mais aussi, l’odorat (encre, papier) et par extension l’ouïe via les lectures par les auteurs… Après plusieurs décennies dans le marketing et la communication, en quête de sens, je souhaitais m’exprimer au travers d’une création qui m’était personnelle. L’expérience de Bernard a facilité mon immersion dans cet univers singulier et m’a permis d’exprimer ma sensibilité artistique et littéraire.
En 2007, j’ai demandé à Bernard de me mettre en relation avec Michel Butor dont je connaissais, surtout par les commentaires littéraires, le roman La modification. Je m’y suis plongée, puis, j’ai lu plusieurs œuvres poétiques et aussi, Passage de Milan. Un préalable à toute collaboration avec les poètes, les lire !
Créées en 2008 à Paris, les éditions d’art FMA sont la synthèse de ma vie professionnelle et personnelle. La collection représente aujourd’hui une trentaine d’éditions originales avec de nombreux auteurs d’aujourd’hui et des artistes, dont le premier Michel Butor ! Bernard est l’artiste peintre avec lequel j’ai le plus collaboré. Je trouve chez lui une richesse créative rare et notre vie de couple facilite nos échanges.
A la recherche de l’excellence, j’ai voulu conjuguer la tradition des métiers du livre en collaborant avec des maîtres-artisans tels que l’atelier du livre d’art et de l’estampe de l’In, puis, plus récemment, l’atelier des Montquartiers, et, la modernité avec des auteurs et artistes actuels et présents. Chaque livre offre un dialogue équilibré entre textes inédits et images originales dans une structure maniable, intime.
J’attache une grande importance à la mise en lumière de ces ouvrages d’exception via des rencontres et la diffusion en médiathèques, bibliothèques, musées et librairies spécialisées. Je réalise et publie sur ma chaîne YouTube et mon site internet les vidéos des livres lus à chaque fois que c’est possible par l’auteur. Je développe également une série de témoignages de responsables de collections de livres d’artiste en institution.
Le livre d’artiste ou de dialogue est un médium merveilleux, qui ouvre tant de portes sur nos émotions. Encore insuffisamment connu, je souhaite participer à le faire découvrir au plus grand nombre et créer de l’intérêt pour ces œuvres littéraires et plastiques.
Tradition, audace et créativité contemporaine caractérisent les Éditions d’art FMA. Je réalise la mise en page du texte, assiste au tirage typographique sur papier d’art, et livre les exemplaires imprimés à l’artiste pour ses interventions plastiques entièrement originales sur chaque exemplaire. L’édition originale, signée par l’auteur et l’artiste, est limitée à peu d’exemplaires (30 à 45 ex., parfois moins), présentée en coffret ou sous étui. L’objet est précieux, c’est une œuvre unique qui aura une vie parallèle dans sa forme numérique et sera l’occasion de rencontres poétiques et artistiques.
J’ai commencé ma collaboration avec Michel Butor en 2007 par la correspondance épistolaire devenue si rare aujourd’hui. J’ai ainsi découvert la poésie en image des cartes Butor et ses messages prompts, brefs et précis. C’est en mars 2008, lors de la dédicace de notre premier livre à la librairie-galerie Les Arcades à Paris que j’ai rencontré Michel Butor pour la première fois. Je ne sais pas lequel des deux était le plus intimidé. J’étais fascinée par tant de simplicité, de génie et d’allant. Il était venu en famille avec son épouse Marie-Jo et une de leurs filles, Agnès.
Nous avons eu, sur les presque 10 ans de collaboration avec Michel Butor, plusieurs projets toujours initiés avec beaucoup d’enthousiasme. Sont parus : en 2008, La restauration du corps féminin ; en 2011, Remontant le fleuve ; en 2012, Hexagones en désarroi ; en 2013, Carré des météores ; en 2014, Ruines d’avenir ; en 2015, Retour d’Islande ; en 2016, Aux jardins de la licorne, Baraque, La jeunesse de Newton et La pomme et ses pépins. Les rencontres se sont multipliées et chacune d’elle nous a un peu plus rapprochés. En 2013, Bernard et moi avons organisé des expositions de livres d’artiste écrits par Michel et illustrés par Bernard à la médiathèque St Corneille à Compiègne, puis à la librairie Blaizot pour la dédicace de Carré des météores. Les deux expositions ont été l’occasion de rencontres chaleureuses avec le public. Nous sommes partis en 2014 en Islande à l’occasion de l’exposition « Michel Butor et ses amis peintres » à la bibliothèque nationale à Reykjavik, sous le commissariat de Bernard Alligand. C’était le dernier grand voyage de Michel avec sa fille Agnès, un souvenir inoubliable. Nous avons également organisé une magnifique exposition de l’ouvrage Ruines d’avenir, une œuvre collective aux 7 artistes, au Logis royal du château d’Angers en collaboration avec la Ville d’Angers, les équipes de la bibliothèque Toussaint, dirigée par Jean-Charles Niclas et Marc-Édouard Gautier, et l’association Angers Musées Vivants.
Je peux vous citer un exemple, celui réalisé autour de la tenture de la Dame à la licorne du musée de Cluny. Nous venions d’achever l’édition originale de Ruines d’avenir, inspirée de la tenture de l’Apocalypse d’Angers. Je recherchais un projet similaire, à partir d’une œuvre patrimoniale emblématique. Après un bon déjeuner à la maison, nous sommes partis sur l’idée de porter un regard masculin et féminin en miroir sur la tenture de la Dame à la licorne. Bernard et Michel se sont associés pour le regard masculin. J’ai proposé à Régine Detambel et Patricia Erbelding, avec lesquelles j’avais déjà collaboré, de porter le regard féminin sur la tenture. Michel était enthousiasmé par ce projet et s’est rendu les jours suivants au musée de Cluny pour revoir la tenture de la Dame et rebondir sur la devise « Mon seul désir » ! Son texte est une merveille de condensé sur les ornements, les sens, l’histoire imaginée de la Dame et de l’amour courtois. Bernard et Michel ont pris le parti d’être descriptifs en y apportant toute leur poésie. Nous avions organisé une rencontre au musée de Cluny et l’exposition Magiques licornes était programmée de juillet 2018 à février 2019 incluant l’ouvrage complet. Hélas, Michel nous a quittés la veille de ses 90 ans et n’a pu participer à ces rencontres qui lui auraient fait, j’en suis sûre, immensément plaisir.
Tout d’abord je souhaite vous parler du « petit-grand dernier » au double titre. Les dormeurs de la forêt – l’Humus du monde, de Paola Pigani et de l’artiste photographe Sophie Zénon, s’ouvre sur un monde invisible où végétal et animal semblent détenir les clefs d’un secret. Le livre en leporello comprend 2 œuvres photographiques, auxquelles s’ajoute, pour l’exemplaire de tête, un leporello en 8 volets d’une œuvre photographique sublime ! J’ai pour projet d’organiser une dédicace au Musée de la chasse et de la nature prochainement. A cette heure, je n’ai pas encore de réponse ferme, je croise les doigts. Vous pouvez découvrir le livre en vidéo ici.
Je travaille actuellement sur d’autres éditions originales qui paraîtront d’ici la fin de cette année avec Alain Freixe et Ernest Pignon-Ernest, Michaël Glück et Bernard. D’autres projets sont en gestation, je frémis d’enthousiasme et d’espérance !
Les « éditions de Rivières » sont nées il y a maintenant 20 ans. Mon papa, Jean Paul Martin, le fondateur, cousin de Pierre André Benoit – (PAB) disposait dans les archives de ce dernier d’une multitude de poèmes sur des feuilles volantes.
Papa, très conservateur décida de mettre en page ces poèmes, de faire un livre avec certains de ces textes pour son propre plaisir, pour sa famille, tiré à trois, parfois quatre exemplaires.
Pourquoi ce nom des éditions de « Rivières » ? Tout simplement parce que la maison appartenait à Pierre-André Benoit (PAB) et mon papa l’a reçue en héritage en 1993.
Tout a donc commencé ici, à Rivières, dans le Gard en 2003, lorsqu’Anne Slacik a découvert les livres et a tout de suite manifesté le désir d’illustrer certains poèmes.
Il existe plus de 1130 titres.
Après Anne Slacik, Sylvère est venu à son tour illustrer des poèmes de PAB.
Puis un premier poète a rejoint cette aventure, Michel Butor, qui a travaillé avec Anne Slacik.
Papa me disait : « c’est la première infidélité des Rivières aux poèmes de PAB ».
Il faut savoir que PAB était reconnu de son vivant comme typographe et éditeur mais son rêve aurait été d’être reconnu comme poète. Il est important pour nous de continuer à publier ses textes.
Les éditions de Rivières, c’est l’après PAB, la continuité, une passion qui se poursuit de génération en génération.
Nous avons dans notre répertoire plus d’une centaine d’artistes avec qui nous avons réalisé des livres.
Un livre se conçoit toujours en mettant en relation un poète avec un peintre.
Nous mettons en page un poème, nous imprimons le livre et le peintre intervient directement sur les pages. Chaque livre est une édition originale, limitée la plupart du temps à 18 exemplaires maximum, puis nous répartissons les différents exemplaires des livres entre le poète, le peintre et l’éditeur.
Chaque livre est numéroté et signé.
Aucun changement n’a été effectué depuis le décès de mon papa si ce n’est que les premiers livres sans lui ont été durs émotionnellement parlant car je partageais l’aventure avec lui.
A la fin de mes études, en attendant de trouver un emploi, nous avons travaillé ensemble, lui me coupait le papier, établissait la mise en page et moi j’imprimais, je pliais, je montais le livre. Nous avions un rythme d’un livre tous les deux jours.
Puis à mon tour, j’ai créé un livre du début jusqu’à la fin et le premier livre fut Lectures Transatlantiques avec un poème de Michel Butor que je rencontrais à Poulx autour d’un déjeuner avec Patrice Pouperon et Julius Baltazar en 2005. D’ailleurs, ce sera l’unique livre marqué au colophon « Rivières M » (M pour Marie.) Par la suite, je n’ai pas souhaité modifier la marque de fabrique de papa, j’ai gardé uniquement la mention « Rivières » à l’inscription sur le colophon.
Les caractéristiques des livres édités sont : une édition à un petit nombre d’exemplaires, chaque livre constitue une édition originale. Puis c’est une édition basée sur de la simplicité, sur des rencontres entre poètes et peintres.
Les titres les plus marquants seraient pour moi :
Immobile mobile : poème de Pierre André Benoit illustré par Pierre Alechinsky en février 2009, édité en XII exemplaires.
Pierre André Benoit a beaucoup travaillé avec Alechinsky, et c’était un honneur pour mon père de partager cette aventure avec lui.
Meurs : Ce poème de Pierre André Benoit fut illustré en 1960 par Pablo Picasso et pour saluer l’année 2010, Claude Viallat l’a à nouveau illustré en XIV exemplaires.
Petit atelier portatif : Poème de Michel Butor illustré par Anne Slacik , édité à 51 Exemplaires en mai 2009. C’est le livre qui compte le plus grand nombre d’exemplaires.
Oui, j’ai réalisé 4 livres avec Anne Slacik qui seront présentés lors de son exposition « Alès, le beau temps selon Anne Slacik » au musée PAB à Alès à partir du 17 février 2023.
Papa lui avait donné au tout début 4 manuscrits de PAB qu’elle a voulu éditer donc j’ai réalisé ces 4 livres cet été, en 18 exemplaires chacun, une façon aussi de rendre hommage à mon père.
Depuis son décès en décembre 2020, je n’avais pas réouvert l’ordinateur, je n’avais plus découpé de papier … l’émotion était au rendez-vous.
Le premier livre avec Michel Butor s’intitule Le Buisson ardent illustré par Anne Slacik en 12 exemplaires et réalisé en septembre 2005.
Il existe une centaine de livres d’artiste réalisés avec Michel Butor.
Véronique Agostini, Christian Astor, Bernard Alligand, Georges Badin, Mylène Besson, Stéphane Bordarier, Graziella Borghesi, Philippe Boutibonnes, Marie-Jo Butor, Claude Clarbous, Lucien Clergue, Coskun, Sylvie Deparis, Régine Detambel, Didier Equer, Maxime Godard, Philippe Helenon, Martine Jaquemet, Anja Kopp, Martine Lafon, Robert Lobet, Pierre Leloup, Yann Liebard, Serge Lunal, André Cervera, Ernest Puerta, Stéphane Quoniam, Marie-Christine Schrijen, Anne Slacik, Stanislas, Sylvère, Marie Warscotte, Youl…
Pour consulter la collection du Manoir des livres : https://www.bibliotheques-intermede.fr/
L’activité proprement radiophonique de Michel Butor reste pour l’essentiel inexplorée. Les douze gros volumes d’Œuvres complètes publiés dans les années 2000 sous la direction de Mireille Calle-Gruber, avec le concours de l’écrivain, n’en donnent qu’un aperçu assez partiel. L’attention accordée aux versions imprimées des œuvres des années 1960 (Réseau aérien, 6 810 000 litres d’eau par seconde) et, plus marginalement, des entretiens avec Georges Charbonnier (Gallimard, 1967), fait oublier les versions sonores elles-mêmes, en France et en Allemagne notamment, de ces textes et d’autres, et surtout l’intense activité de Butor à la radio dans les décennies suivantes, en France et en Suisse particulièrement, où l’écrivain a été au rendez-vous de toutes les grandes émissions de poésie, de création, de musique et d’entretiens de la deuxième moitié du siècle ‒ mais pas des émissions de « théâtre radiophonique » ou « dramatiques », genre insuffisamment soucieux ou capable à son goût d’explorer les virtualités propres au médium de la radio. Ce numéro de Komodo 21 propose une première exploration de ce grand pan de l’œuvre butorienne. Il réunit des compagnons de création de Butor (le compositeur et musicologue Jean-Yves Bosseur, la productrice franco-australienne Kaye Mortley) et des spécialistes de son œuvre ou des relations entre la littérature et la radio.
Pierre-Marie Héron et Patrick Suter
Le manège radiophonique de Michel Butor
Henri Desoubeaux
Il en fait trop ! Place de la radio dans l’œuvre et la vie de Michel Butor
Céline Pardo
L’Œil des Sargasses de Michel Butor, poème d’ondes
Marion Coste
Centre d’écoute de Michel Butor et René Koering : une écoute planétaire
Ludger Scherer
Sur les dernières pièces radiophoniques « allemandes » de Michel Butor : Der Bahnhof Saint-Lazare (1968) et Beschreibung von San Marco (1970)
Pierre-Marie Héron
Un duo sonore : Butor et Bryen en 1976
Jean-Yves Bosseur
Une semaine d’escales musicales et radiophoniques
Kaye Mortley
Michel Butor, le temps infinitif… et la radio
Patrick Suter
Séquences pour explorer le laboratoire radiophonique de Michel Butor. À la lumière des archives de la Radio Télévision Suisse (RTS)
Mireille Calle-Gruber
L’adresse de Michel Butor. Entretiens et enjeux radiophoniques d’un écrivain
Le contenu complet est à retrouver ici:
http://komodo21.fr/category/michel-butor-et-la-radio/
Komodo 21, 14 | 2021: « Michel Butor et la radio ». Textes réunis par Pierre-Marie Héron et Patrick Suter
Gaëlle Callac
Diplômée d’un DNSEP, mon travail plastique trouve sa source dans les mots, la littérature. Mes images s’incarnent en eau-forte principalement mais aussi en vidéo. Le livre est souvent au cœur de mes préoccupations. J’en écris pour la jeunesse, je le filme, le découpe, le colore à l’envi. Les papiers m’inspirent autant que les images que je découpe dans des ouvrages anciens. Ma production se nourrit d’éléments picorés ici et là.
Jeanne Truong
Je suis écrivain, commissaire d’exposition et critique d’art. L’écriture demeure dans tout ce que je fais l’ami souterrain et fidèle de mon existence.
La littérature est à la fois une vocation et un artisanat pour moi. Elle me permet de vivre de multiples expériences de vie et constitue le foyer où je peux me ressourcer, me concentrer dans une activité à l’intérieur d’une durée longue. En d’autres termes, après la dispersion des péripéties de l’existence, l’écriture m’offre la joie de me recentrer, de pratiquer une forme de méditation, et de prendre le recul nécessaire pour me retrouver et retrouver les autres dans une relation plus réelle et plus aimante.
JT : Je ne connaissais pas la résidence de l’Archipel Butor, c’est Gaëlle qui me l’a fait connaître en me proposant de souscrire avec elle à la candidature de la session 2021. Ayant suivi le travail de Gaëlle sur plusieurs années, j’étais enthousiaste et ne doutais pas qu’une collaboration avec elle serait de qualité, riche en réflexions, partages et découvertes.
L’idée d’un livre d’artiste m’a immédiatement séduite. J’avais auparavant beaucoup collaboré et réfléchi sur ce support avec de nombreux artistes avec lesquels j’ai travaillé.
Et par ailleurs ayant à imaginer des catalogues d’exposition, les questionnements de supports, formes, formats, espace de la page, typographie, objet-livre… me sont familiers, outre le fait que j’aime beaucoup les livres d’illustrations, la bande dessinée et le manga.
Ayant une pratique amateur du dessin, de la peinture et de la photographie, et connaissant le désir de Gaëlle d’écrire, je lui ai proposé de faire un livre dans lequel nous pourrions épanouir toutes nos envies dans les multiples médiums, y compris ceux qui n’étaient pas dans nos domaines de prédilection.
Par ailleurs, j’ai réfléchi à un principe de livre qui pourrait nous permettre à la fois d’investir l’espace de l’autre tout en épanouissant son propre univers. Par mon expérience des salons littéraires et des librairies, j’ai toujours été étonnée par la place qu’occupaient le titre et la quatrième de couverture dans le choix d’un lecteur d’acheter ou non le livre, parfois sans même ouvrir l’ouvrage. L’idée m’est venue naturellement de proposer à Gaëlle un projet sur la première et la dernière de couverture.
S’est posé le problème de la forme que pourrait prendre cet ouvrage commun. J’ai été inspirée par les livres d’artiste de Michel Butor et j’ai proposé à Gaëlle la forme du Leporello, qui par son aspect en « accordéon », son recto-verso, et le fait que c’était à la fois des pages et un objet concret en un seul tenant, m’apparaissait incarner physiquement une relation de travail à deux, et offrait des possibilités de jeux de miroir, de chiasmes, de parallélismes… très prolifiques.
Gaëlle m’a alors dit qu’elle faisait justement une formation sur le Leporello. Nous avons donc adopté ce choix. A son tour, elle m’a proposé d’utiliser un papier japonais qu’elle a l’habitude de travailler. Le papier m’a plu par son aspect ivoire qui donnait une impression d’usure, que je recherche pour mes dessins.
Par ailleurs, la perspective d’une médiation avec le public, les élèves et les étudiants m’enthousiasme beaucoup. Ce sera l’occasion d’échanges et de transmissions j’en suis sûre mutuellement très fructueux (j’ai gardé un très bon souvenir des ateliers d’écriture que j’ai pu donner par le passé).
GC : Pour Jeanne comme pour moi, il s’agit de notre première résidence. Jeanne ayant été commissaire d’exposition – je suis allée à beaucoup de ses expositions – et étant férue d’art, j’ai pensé que ce projet de duo « Auteure(e)/plasticien(ne) » pouvait l’intéresser. Aussi lui ai-je proposé de candidater avec moi. Le plaisir de réfléchir ensemble sur un livre d’artiste était très enthousiasmant. Quoi ? Comment ? Échanger sur des goûts et des intentions. Concevoir des activités de médiation. Tout était passionnant. Je voyais cette résidence comme une parenthèse enchantée dans le quotidien. Cumulant une activité d’éditrice avec celle de plasticienne, c’est la première fois que je vais pouvoir me consacrer pleinement à une réalisation plastique sur un laps de temps aussi long. J’ai déjà réalisé un livre d’artiste, seule, mais jamais en duo.
GC : Je connaissais l’œuvre de Michel Butor que j’ai amorcée par la lecture de La modification, dans ma jeunesse. Il a ensuite croisé mon chemin à maintes et maintes reprises. Un jour, j’ai gravi la montagne pour découvrir sa maison « À l’écart » à Lucinges. Son œuvre a quelque chose de vertigineux dans sa pluralité des genres, dans sa quantité d’ouvrages réalisés, la qualité. Je connais son parcours mais suis loin d’avoir lu tous ses livres. J’aime beaucoup l’écouter et le regarder.
JT: J’ai lu très jeune La modification qui a représenté pour moi une expérience littéraire nouvelle. J’ai lu ensuite L’emploi du temps qui a été une lecture faite de pauses et de reprises. Bien que ce soit un roman policier, en réalité, j’avais du mal à avancer dans l’intrigue à cause de la beauté de ses phrases. Je l’ai lu plutôt comme une grande somme poétique à l’intérieur du genre romanesque. J’ai découvert ensuite qu’il a fait de nombreux livres d’artistes, investissant sans cesse dans une valse protéiforme des relations nouvelles entre mots et images, sens et rythmicité, objet concret-objet abstrait…
J’ai toujours associé Michel Butor à la puissance poétique et à la figure de l’écrivain prolixe et compulsif, celle d’un explorateur et artiste qui n’hésite pas à utiliser de nombreux médiums pour s’exprimer. En ce sens, il est pour moi en littérature ce que Picasso était dans la peinture.
Nous nous connaissons depuis longtemps, nous n’avons jamais collaboré ensemble sur un travail commun. Nous apprécions cependant nos oeuvres respectives.
C’est un travail en duo. Donc le temps de la résidence sera un temps d’échanges, de dialogues et de création. Nous espérons aussi développer des moments de travail avec les élèves et les étudiants d’art de la région. Nous aimerions organiser des séances d’atelier tous les dix jours (à voir avec la résidence et les acteurs de la médiation) où on questionnera ce qu’est un livre d’artiste, le rapport image-texte, ce qu’est un titre et une quatrième de couverture, ce qu’est un Leporello, un Orihon, les enjeux d’un travail en commun, d’un livre à quatre mains… Ces séances seront filmées (les étudiants d’art pourront faire leur propre film (série d’entretiens, reportage, documentaire…) et montrer l’évolution de notre travail semaine après semaine avec leur regard extérieur. Dans l’absolu, nous aimerions réaliser, même s’il n’y a pas d’obligation de résultat, un livre fini. En deux mois, cela nous semble envisageable.
Notre projet s’intitule : « COUVERTURE ET QUATRIÈME DE COUVERTURE » et s’élabore autour d’un objet conçu de la manière suivante : chacune propose à l’autre un livre imaginaire qu’elle va devoir réaliser. Cette proposition repose sur l’observation que beaucoup de lecteurs qui flânent dans les librairies et les salons littéraires, se focalisent sur le début et la fin d’un ouvrage pour s’en faire une idée subjective, à savoir la couverture et la quatrième de couverture d’un ouvrage. Ils imaginent ainsi le contenu d’un livre à partir de ces deux pages stratégiques et cruciales.
Chacune de nous proposera à l’autre un titre et un résumé de quatrième de couverture, ouvrant l’espace entre les deux pour lui permettre d’imaginer le contenu de l’ouvrage. Ce livre, que l’autre devra investir, pourra se construire à l’aide d’écrits, de photographies, de dessins et autre médium nécessaire.
L’une a le désir d’écrire davantage et l’autre, celui de s’exprimer dans des formes plastiques, qu’elle fréquente depuis longtemps en tant que commissaire d’exposition. Le projet prend en compte la polyvalence et la transversalité des expériences et pratiques respectives, qui se croisent par ailleurs et correspond à notre volonté profonde d’étendre nos domaines de création habituels (littérature et arts plastiques) et de déterritorialiser nos pratiques, en les élargissant à une expérience artistique et littéraire plus complète.
Ce projet est idéal car il est commun et en même temps, dans sa contrainte, il offre une grande liberté individuelle. Chacune de nous réalise son livre. Nous souhaitons garder cependant une homogénéité dans la forme. Aussi, nous nous accordons un droit de regard sur le travail de l’une et l’autre.
Résidence Archipel-Butor
Proposition Titre et 4ème de couverture.
Titre : La prophétie du typographe
4ème de couverture :
Révolues, lettrines, enluminures et autres séduisantes calligraphies…
Au fil du temps, toutes les étonnantes typographies se sont évaporées des livres, laissant découvrir des pages sans caractère tels des visages inexpressifs. Sans emphase, une typographie s’est emparée de ces paysages mornes, de manière capitale. Un seul corps, prosaïque, aucune graisse, aucun empattement… Ubiquité.
En filigrane, un groupuscule d’hommes de l’art dans ce domaine, colporte qu’il existerait un livre unique et merveilleux composé de toutes les typographies créées depuis la nuit des temps.
Nul ne sait à quoi il ressemble et où il se trouve.
Il est cependant au cœur des réflexions et recherches de ces amoureux des lettres qui confrontent, sous cape, leurs hypothèses et théories avec assiduité.
Leur seule certitude, ce livre aurait pour titre La prophétie du typographe.
GC : Je travaille sur plusieurs projets : un nouvel « ABC » sur un autre élément et un travail collaboratif : des tissages avec Ilann Vogt. Je finalise ma série de vidéos intitulée « Allégories » qui sera présentée à Marseille, à l’Hôtel Le Ryad en novembre, lors du 34 ème festival de « Les Instants Vidéo ».
JT : Je suis en train de finir un roman, et travaille sur la structure de deux autres à venir, tout en reprenant un roman poétique que j’ai commencé il y a quelques années.
Par ailleurs, je suis en train de répondre à une commande pour un beau livre collectif qui porte le titre provisoire de « Mémoire de nos mères » qui sera publié début 2022 dans la maison d’édition Textuel, Actes Sud.
Georges Godin est d’origine canadienne. Après avoir suivi des cours de littérature à Nice avec Michel Butor, il décide de lui consacrer son sujet de thèse. Il poursuit une carrière d’enseignant en littérature avant de créer la librairie « les Antipodes » à Nice, 47 bis avenue de la Californie, fermée en 1988. Le nom de la librairie est un hommage à l’ami écrivain qui avait appelée ainsi sa maison niçoise.
Il vit aujourd’hui à Biot.
J’ai tout d’abord rencontré le professeur Michel Butor à la Faculté de Lettres de l’Université de Nice. Jeune Acadien du Nouveau-Brunswick, j’étais arrivé en France à l’automne 1968, heureux bénéficiaire d’une bourse d’études qu’on pourrait dire « du Général de Gaulle », créée après son « Vive le Québec libre ! ».
J’étais peu familier du Nouveau Roman, je n’avais encore jamais lu une seule ligne de l’écrivain Michel Butor, dont le nom courait pourtant avec respect dans les couloirs de la Fac de Carlone. Je me suis donc empressé en 1970 de m’inscrire à son cours de « Pratique de l’écriture », concept importé des universités américaines où le « Creative writing » était une offre courante des écrivains universitaires. L’année suivante, j’ai également suivi son cours sur Proust.
Pour évoquer ma première rencontre avec ce professeur, je citerai l’introduction de ma thèse sur cet écrivain, intitulée « Discours pédagogique et discours littéraire chez Michel Butor », publiée plus tard sous le titre « Michel Butor. Pédagogie, littérature » :
« Michel Butor entre en classe, et il monte sur l’estrade.
A l’université de Nice, en cette rentrée d’automne 1970, nulle estrade autre que morale dans nos salles de cours ; nous pouvons pourtant parodier cette phrase initiale et d’autres éléments de la page d’introduction de « Degrés » pour situer notre première rencontre avec le professeur Michel Butor.
L’atmosphère était aussi tendue qu’au lycée Taine en octobre 1954… » etc., voir les quelques pages suivantes.
Ce sont avant tout les grandes qualités du professeur qui m’ont attiré, surtout le cours sur Proust et la direction de ma Maîtrise sur Beckett. D’où l’aspect pédagogie de ma recherche ultérieure.
Le premier cours, « Pratique de l’écriture », avait déçu certains étudiants dont je faisais partie. Tout écrivain, même en herbe, n’existe que dans la publication de ses œuvres ; or contrairement aux universités américaines, le milieu universitaire français n’offrait alors que peu de débouchés pour les publications d’étudiants. Aucun vrai poète ne rime que pour son professeur.
Par la suite, ma décision d’adopter l’écrivain Michel Butor comme sujet d’une thèse de Doctorat vient d’une anecdote dont je n’ai compris l’importance que bien plus tard. Ayant évoqué avec lui cette possibilité, puis ayant avoué mon ignorance de son Oeuvre, il est allé dans sa bibliothèque et est revenu avec un petit livre au titre étrange : « Dialogue avec trente-trois variations de Ludwig van Beethoven sur une valse de Diabelli ».
Ouvrage illisible pour moi. Magie ou provocation fort pédagogique, je me suis dit : « Ou cet homme est fou, ou c’est un génie ». J’avais dès lors absolument besoin de savoir, de comprendre.
Y suis-je arrivé ? Voir la dernière phrase de ma thèse : « Que nous veux-tu, Michel Butor ? »
Tout en admettant le fait que Michel Butor ait pu mériter le qualificatif de « cérébral », que son discours soit fréquemment didactique, que l’enseignant soit souvent présent dans son œuvre, et pas seulement dans Degrés, je me suis sans cesse efforcé, dans cette thèse, de distinguer le discours didactique du discours pédagogique. L’un et l’autre qualificatifs ne sont pas exactement synonymes.
Dans une première partie, « Triptyque sur tableau noir », j’ai tenté de réaliser trois « portraits » de l’artiste : en étudiant, en lecteur et en professeur. J’ai conclu par une esquisse de l’écrivain non pas comme artiste, mais comme « artisan en chambre », c’est-à-dire dans son atelier.
La seconde partie a été une recherche des « fondations attrayantes et passionnées » de l’Oeuvre butorienne. Etude à la fois des influences, des thèmes et des manières de pratiquer l’écriture.
Ma troisième partie a consisté à montrer l’Oeuvre de l’artisan Butor comme un outil à « triple tranchant », à la fois épée de l’engagement, car toute écriture véritable est engagée ; bistouri, car toute œuvre d’art vise une guérison, de soi, de l’autre et de la société ; charrue, car toute création est un travail, semence ou construction.
Tout d’abord, nos rapports pendant la rédaction de ma thèse ; je cite mon introduction : « Je lui ai d’abord rendu quelques visites bien timides, comme étudiant ; puis sont venues certaines rencontres assez formelles, où mon sujet de recherche se montrait fort complaisant et coopératif ; mais peu à peu le vernis universitaire s’est craquelé, les masques – l’écrivain célèbre et le chercheur respectueux – se sont mis à fondre et bientôt nos rencontres ont ressemblé de plus en plus à des visites amicales. Jamais de notes, encore moins de magnétophone… la vraie connaissance s’insinuait enfin. Avec elle, une difficulté sans cesse croissante de conserver à mon travail une allure de recherche objective, etc... ».
A cette même époque, j’ai eu l’honneur et le plaisir d’effectuer un travail pour celui qui devenait un ami, bien que toujours vouvoyé. J’ai pu fouiller dans des cartons de correspondances, en ressortir les lettres de Georges Perros et les classer par ordre chronologique. Cette correspondance Butor-Perros sera ensuite publiée aux éditions Ubacs, puis chez Joseph K.
Après la soutenance de ma thèse, en 1982, Michel Butor et moi avons continué à nous revoir à plusieurs occasions, dont je ne retiendrai que les plus importantes… pour moi.
D’abord sur l’Ile de Vancouver, à l’Université de Victoria où j’enseignais en 82-83. Nous avons découvert ensemble le Passage intérieur de la Colombie Britannique. Je cite le « frontispice à (mon) livre » que Butor a titré « Fenêtres sur notre passage intérieur » :
« Vous étiez seul, moi aussi, nous en avons profité pour quelques excursions avec la voiture branlante que vous vous étiez procurée. La plus mémorable est certainement celle qui nous a amenés jusqu’à Prince Rupert près de la frontière de l’Alaska et qui est à l’origine d’un certain nombre de textes rassemblés dans Fenêtres sur le Passage intérieur. »
Plus loin : « Toutes ces images, vous me les avez données, et je suis heureux de cette occasion de les relier à leur origine. (…) Il y a déjà des années. Je n’avais pas encore de barbe. Je crois que c’est peu après notre retour à Victoria que j’ai appris que j’étais grand-père. »
Il m’a alors annoncé que, comme Victor Hugo, l’art d’être grand-père lui commandait d’être désormais barbu… ce qu’il est devenu.
Parmi nos autres rencontres, je n’évoquerai que les deux suivantes.
En 1987, nous avons été invités par l’Université du Québec à Montréal, à l’occasion de la parution de ma thèse, publiée aux éditions Hurtubise, et surtout pour marquer l’ouverture d’un fonds Michel Butor. L’essentiel de ce fonds est constitué de très beaux livres, comme le Bicentenaire Kit avec Monory, objets d’art et de poésie qui m’avaient été offerts par Michel lui-même au cours de toute ma recherche.
Je conclurai, sans entrer dans les détails, par une très belle aventure, pour moi : la préparation, les échanges, le travail avec Butor, André Villers, Vincent Miraglio (meilleur apprenti cuisinier de France en 1980) et d’autres, le « dîner des butorophages », la rédaction et enfin la parution de « Par le menu », édition Librairie Les Antipodes, 1988.
Ce fut le couronnement d’une fort longue et très belle rencontre avec ce merveilleux Michel Butor, pour moi un très bon professeur, un excellent écrivain et surtout un père spirituel qui m’a accompagné et m’accompagnera toute ma vie ?
Je me contenterai de citer ce que j’ai répondu aux remerciements d’Agnès Butor (fille de l’écrivain) à ce sujet :
« Chère Agnès,
Je me permets de m’adresser à vous par votre prénom, car je vous ai connue très jeune fille en 1970, et c’est le souvenir que j’en garde.
Concernant le don à Lucinges, c’est peu de choses comparé à ce que j’ai reçu pendant des années, soit de votre père, soit de nombreux artistes avec lesquels il a travaillé. Les plus belles pièces ont été offertes en 1987 à l’UQAM, Université du Québec à Montréal, don complété par Michel et par certains éditeurs. Ce qui restait, je l’ai offert au musée de Lucinges car j’ai un certain âge, je ne veux pas que ce soit perdu, et je ne pouvais pas vendre ces si beaux cadeaux qu’on m’avait offerts si généreusement.
Considérez donc que ces dons posthumes sont offerts par mes amis André Villers et Michel Butor. »
Propos recueillis en juin 2021.
Artiste, photographe, auteur et médiateur culturel, Olivier Delhoume consacre toute son énergie à promouvoir les arts et la culture, tout en construisant une œuvre multiforme. Il pratique la photographie depuis l’âge de quinze ans et obtient un diplôme professionnel en 1978. La peinture, la sculpture, la mosaïque et la création de mobilier liturgique l’ont conduit à exposer dans de nombreux pays et à honorer des commandes publiques. Cependant, la photographie reste son mode d’expression et de création privilégié.
Tourné vers les autres, il se définit comme un passeur qui met en valeur tant les artistes que les différents publics. La rencontre est un aspect fondamental de sa démarche qui s’appuie sur des actions de terrain et des conférences, mais aussi lors d’émissions de radio et de télévision qu’il programme, produit ou présente en France et en Suisse depuis les années 80. La presse constitue aussi un levier important de sa démarche. Depuis 1976, il a publié des entretiens avec des artistes et écrivains dans la presse régionale française, dans le magazine Art Passions et pour de nombreuses publications et catalogues d’expositions.
L’édition est un secteur qui le passionne depuis le plus jeune âge. Il a publié plusieurs portfolios, des livres d’artistes et des ouvrages en édition courante. Ses contributions à des ouvrages collectifs sont de plus en plus nombreuses, suite à l’encouragement de Michel Butor.
Dès 2011, il travaille à la construction d’un nouveau Centre culturel pour la Ville de Versoix (Genève, Suisse). Il en devient le directeur puis, à la demande des autorités communales, chef du service de la culture. Ce lieu culturel est nommé Le Boléro, afin de rendre hommage à la famille Ravel originaire de Versoix.
Le Boléro comprend une Galerie d’exposition, une Bibliothèque-Médiathèque, un Hall culturel et un restaurant bistronomique qui propose des concerts chaque fin de semaine.
J’ai rencontré Michel Butor sur les conseils de Christian Bernard, alors directeur du Mamco (Genève), à qui j’avais présenté mon travail sur les jardins de rues au Japon. Sur l’entremise de Charles Méla, directeur de la Fondation et Musée Martin Bodmer (Cologny) et ami de Michel Butor, la rencontre avec Michel a pu se faire à Lucinges en 2005.
Il a été immédiatement séduit par ces fleurs de trottoirs qui attestent de la présence humaine et d’une certaine vie de quartier dans les grandes mégapoles japonaises. Nous avons, depuis lors, entretenu avec Michel une correspondance régulière, rythmée par des interventions dans mes émissions de radio et de télévision, des événements le mettant à l’honneur tant à Genève qu’à New York. Notre collaboration a produit plusieurs ouvrages en édition courante et quelques portfolio et livres d’artiste. Très régulièrement, je répondais à l’invitation de Michel pour me rendre « A L’Ecart ». C’était l’occasion de parler de son actualité, de ses projets et de « refaire le monde ». Les conversations étaient alimentées de whisky dont nous partagions la passion avec modération et que Michel commentait et décrivait avec la connaissance encyclopédique que nous lui connaissions. N’avait-il pas nommé Oban, l’un de ses chiens Labrador?
2006 – 2007
– Organisation de l’exposition des 80 ans de Michel Butor au Parc des Bastions (Genève), texte de la plaquette « Michel Butor, le grand dessein » pour la Ville de Genève
2010
– Publication du livre « Au Japon de Voltaire » (Ed. Æncrages & Co), avec une performance au château de Voltaire (Ferney-Voltaire, France)
– Publication du livre « Jardins de rue au Japon », (Ed. Notari)
– Exposition « Jardins de rues au Japon », Flux Laboratory (Genève)
2012
– “Geneva meets New York”, festival de Genève à New York.
Organisation de trois événements en hommage à Michel Butor dont la remise de la Médaille d’honneur de la Présidence de la New York University
– « Au banquet de Rousseau », conférences sur le thème de la nature, Serres de Prégny-Chambésy (Suisse) et « Faut-il bruler les livres ? » à la BGE-Bibliothèque de Genève
2013
– Publication du livre « Le temps du Japon » (Ed. Notari). Double livre avec Michel et Marie-Jo Butor « Cent instants japonais ». Contributions de Jacques Boesch et Lucien Curzi.
– Expositions : « Le temps du Japon », Flux Laboratory (Genève) et Flux Schiffbau (Zurich)
2014
– Exposition : « Le temps du Japon », Manoir des livres (Lucinges) et Galerie Lee (Paris)
2015
– Exposition : « Le jardin des belles lettres », art et littérature autour du Michel Butor (Boléro, Versoix)
2016
– Publication du livre « La grande armoire » (Ed. Notari)
– Contribution pour « Dix-huit lustres – Hommages à Michel Butor » (Ed. Classiques Garnier) et aide à l’édition du livre
2017
Contribution pour « Jazz & Lettres – Improvisation sur Michel Butor et le Jazz » (Ed. Notari et Fondation Bodmer), prêts pour l’exposition.
2011
Animation du colloque du Livre d’artiste, « Matière(s) à lire, Poésie à toucher » (Lucinges)
2016
Centre Joe Bousquet (Carcassonne) : Intervention sur le thème « Michel Butor, un esprit de familles »
2018
Musée Barbier Mueller (Genève) : « Voyages avec Michel Butor »
2019
Fondation et Musée Martin Bodmer au Manoir de Cologny : « Voyages au Japon avec Michel Butor, Voltaire et Nicolas Bouvier »
Sa plus grande joie est de découvrir une nouvelle « matière à écrire », et non pas à décrire. Il prend le temps de regarder attentivement chaque image ou chaque motif. Son œil frise, on le sent partir déjà très loin, vers de nouveaux horizons qu’il contribuera à ouvrir. Puis, sa voix douce commence à exprimer ce qu’il ressent, à évoquer tous les possibles dont ceux que je n’avais pas entrevus. Ensuite, il interroge, demande comment j’imagine le volume contenant le tout.
À chaque fois, mes propositions furent acceptées avec enthousiasme par un : « Alors, on y va ! ». C’est le cas pour le petit livre carré, symbole d’humanité, que l’on peut glisser dans sa poche pour découvrir Les jardins de rues au Japon, avec une entrée à la française et celle à la japonaise avec la traduction de son texte. Encore pour Au Japon de Voltaire, alternance de calligraphies et de mots voltairiens où il souhaite interpeller Voltaire, en double page centrale, sur ses démarches commerciales. Et aussi pour le double livre Le temps du Japon-Cent instants japonais, composé à six mains avec Marie-Jo. Là encore, un ouvrage à double entrée.
Et le silence, l’absence. Qu’est devenu Michel ? Aucune nouvelle ! Impatience… Retour à Lucinges sur l’invitation de Michel : je découvre un texte cousu sur mesure, au-delà de ce que je pouvais espérer. Il éclaire la matière proposée, réagit en contrepoint et projette l’ouvrage dans un territoire inexploré. Il s’est nourri des images et leur apporte toute la profondeur et l’émotion que nous avions simplement effleurées. « Voilà ! » lance-t-il, fier de la tâche accomplie. Et la matière à lire et à toucher peut partir à l’impression.
Le retour des volumes reliés est l’occasion de célébrer un chemin parcouru à deux, d’une aventure commune et d’une confiance confirmée une fois de plus. La main caresse la couverture. Il va au colophon, mesure la qualité de l’impression, sent l’odeur de l’encre. Il ne reste plus qu’arroser cela. Mais avant, il range les ouvrages qui lui sont réservés en signalant la répartition de ceux qui partiront à tel fonds ou à telle bibliothèque. Et maintenant ? Michel attend un nouveau projet, vous interroge sur vos travaux en cours. Insatiable !
Très régulièrement, je faisais le chauffeur pour conduire Michel et Marie-Jo à des événements que j’organisais ou pour des visites à leurs amis. En 2012, alors que nous sommes dans la voiture de retour d’un déjeuner avec Jean Starobinski et son épouse, je provoque amicalement Michel sur le fait qu’il est l’auteur de très nombreux livres et que Marie-Jo, malgré sa reconnaissance comme photographe et ses expositions à succès, n’en avait publié aucun. J’estime que cela est injuste. Michel s’en amuse. Sa barbe frise, alors qu’il regarde la route, droit devant lui… « En effet ! et pourquoi pas ? » lance-t-il. Marie-Jo, confuse par mon intérêt, évoque modestement les nombreuses photographies qu’elle a prises au Japon. J’annonce : « Eh bien, c’est fait ! ». Je propose d’éditer un double livre qui aurait son entrée avec les images de Marie-Jo et une autre avec les miennes. Le tout avec un texte de Michel qui nouerait la gerbe.
Rappelons-nous que lors d’un voyage au Japon, Marie-Jo avait reçu en cadeau un appareil compact. Michel la voyant saisir de nombreux instantanés, décida d’abandonner la photographie pour la laisser libre et ne pas entrer en « concurrence ». Intéressé par les résultats découverts au retour de ce voyage, Michel avait écrit des textes pour accompagner les images. C’est ainsi que le livre s’est fait naturellement. Luca Notari fut emballé par ce projet et Le temps du Japon-Cent instants japonais paru en 2013.
Le premier fut Au Japon de Voltaire publié aux édition AEncrages and Co en 2010. Le service culturel de Ferney-Voltaire souhaitait organiser un événement culturel et artistique dans le grand salon du château de Voltaire. Naturellement, j’ai proposé un thème autour du Japon et de Voltaire qui avait signé, dans l’encyclopédie de Diderot et d’Alembert, le chapitre sur ce pays, bien qu’il n’en fut pas tout à fait l’auteur. Les éditions AEncrages proposèrent de publier un livre d’artiste à douze exemplaires pour marquer l’événement. J’ai travaillé tout un hiver à des calligraphies symbolisant les mots clés de ce chapitre de l’encyclopédie. La mise en forme s’est articulée entre les encres originales, les mots typographiés et un texte de Michel.
L’événement s’est tenu en soirée dans le salon de Voltaire en présence de Michel, des autorités régionales et genevoises et des diplomates japonais en poste en Suisse. J’ai réalisé, sur place devant un public de près de 200 personnes, les 144 calligraphies dans les volumes dont les typographies étaient pré-imprimées, accompagné du regard bienveillant de Michel, de la lecture des textes par un comédien et la musique d’un joueur de flûte shakuhachi.
Après la signature des volumes par Michel et moi-même, la soirée s’acheva par un diner privé au premier étage du château. Ce fut une soirée mémorable pour Michel qui avait répondu par un texte à l’encre rouge La colonie des horlogers, à la lettre de Voltaire envoyée le 11 mai 1770 à la duchesse de Choiseul.
Ce fut ensuite Les jardins de rue au Japon publié aux éditions Notari, toujours en 2010. Michel était fasciné par ces fleurs de trottoirs qui marquent la présence humaine dans les mégapoles japonaises. Nous nous sommes retrouvés, une fois de plus, autour de cette humanité invisible des regards peu sensibles. Ce fouillis végétal opposé au trafic des voitures, crée des passages aventureux pour les piétons qui doivent éviter les gamelles et les vieux pots de plantation. Ces jardins hors sol, bien loin de l’esthétisme attendu en l’archipel, ne sont ni beaux, ni harmonieux. Mais ils sont très présents et attestent d’une vie de quartier et d’un bon voisinage. Ce travail fait écho au livre Les gens de peu de Pierre Sensot (anthropologue, philosophe et sociologue français) et à ceux qui se contentent d’une vie modeste mais pleinement vécue.
Enfin, il y eu Le temps du Japon – Cent instants japonais (édition Notari, 2013) dont j’ai décrit le surgissement dans le paragraphe précédent.
Nous partagions avec Michel un grand intérêt pour le Japon. J’ai eu l’occasion de décrire cela lors de conférences au Musée Barbier-Mueller de Genève en 2018 et pour la Fondation et Musée Martin Bodmer au Manoir de Cologny en 2019.
Pour différentes publications des photographies de Michel et afin de lui rendre service, j’ai effectué un travail de numérisation de négatifs et l’édition des images en noir et blanc. Ainsi, j’ai pu analyser une cinquantaine d’images qu’il avait réalisées entre 1951 et 1961 en Turquie, en Grèce, en Espagne, à New York, San Francisco, Paris, Rome, Venise, Vérone, Londres… Cela m’a permis de pénétrer son regard.
Les photographies sont de format carré, issues de son appareil 6×6. Les compositions sont puissantes, parfois décadrées pour permettre le surgissement du sujet principal. Souvent, la ligne d’horizon borde le cadre supérieur laissant apparaitre une marge de ciel afin de placer le paysage en plein cadre. Des perspectives ou une simple ligne horizontale appuient la présence du personnage. Certaines images apparaissent en abstraction, des fragments de sujets ou de matières captent la lumière. Les courbes enlacent des lignes droites. Si quelques images d’architecture ou de bord de mer peuvent ressembler à des cartes postales, je les place plutôt dans une démarche documentaire, à l’exemple de la Mission héliographique de 1851 des Legray et Mestral, Baldus et Le Secq. Ainsi, on retrouve une haute tradition mais aussi un style moderne dans les photographies de Michel où dialoguent et parfois se confrontent l’ombre et la lumière.
Le photographe partage sa vision du monde avec ceux qui découvrent les images. Qu’y a-t-il de plus intime que d’emprunter l’objectif de l’opérateur des prises de vues ? Regard d’objectif, vision subjective, recomposition du monde. Michel est un esthète. Il photographie comme il écrit.
Même si le déclanchement se fait en une fraction de seconde, la préparation du voyage l’invite à choisir ses chemins sur le terrain et aiguise déjà son regard. Une photographie est rarement prise au hasard. Sa maturation s’est faite, bien avant le départ, par des lectures et l’impatience de ceux qui veulent reconnaitre sur place ce qu’ils avaient pressenti. L’imprégnation du lieu, de son passé et du présent, mature sa sensibilité aux choses et aux gens. Ainsi, Michel se laisse conduire par une intuition nourrie d’un grand savoir. Et cela n’empêche pas l’émotion. Si, parfois, la photographie est un carnet de notes qu’il utilisera pour rédiger quelques lignes ou plus, Michel pratique cet art, le plus souvent, au sens étymologique du terme : écrire avec la lumière.
Après avoir arrêté de pratiquer cet art, Michel me confia qu’il continuait de photographier mais sans appareil. Avec son regard uniquement et depuis toutes ces années, il n’avait cessé de capter l’esprit des lieux.
Michel encourage les photographes par l’attention qu’il leur porte. Rien d’anecdotique pour lui, une gourmandise. Parcourir un portfolio, c’est un voyage de sensations et d’inspiration qui lui donne envie de convoquer mille idées et de se mettre à l’établi. Il n’a jamais considéré la photographie comme un art mineur.
Si souvent les livres ou les expositions de photographies bénéficient d’une introduction, voire d’une analyse, Michel pratiquait autrement. Il pénètre dans les interstices des images sans les décrire. Il en fait ressortir une musicalité qui ouvrent les regards. Les images sont muettes mais Michel en compose la bande originale et leur donne la parole.
La plus récente publication est celle des Presses universitaires de Perpignan Images in situ, Les frontières de l’image. Marion Coste y propose une analyse critique du livre La grande armoire. Elle y met en relief la relation entre les textes de Michel et mes photographies. Il y aura à poursuivre les rencontres et les débats à partir de ce texte remarquable.
Les projets sont nombreux mais il s’agit, maintenant, de bien choisir ceux qui arriveront à terme. Trois suites photographiques sont en chantier traitant du tourisme, du ciel et de la ville. Après avoir travaillé sur mes archives, je prépare l’édition de mes tirages en noir et blanc réalisés depuis 1975. Michel me manque terriblement mais il faut poursuivre.
François Da Ros, typographe, éditeur, auteur, est né en 1941 en Italie. En 1957, après un cycle d’études classiques, il entre en typographie à l’âge de 17 ans tout en suivant pendant quatre ans des cours du soir d’architecture. Il obtient un CAP de projectionniste de cinéma en 35 mm et tourne au cinéma « VOX ». En 1962, il rejoint Paris et se perfectionne à l’Imprimerie Génin-Frères, la plus moderne d’Europe (plus de 3500 casses de caractères différents). De 1964 à 1978, il collabore avec les imprimeurs-typographes Fequet et Baudier. Pendant quinze ans, il compose à la main de nombreux livres de bibliophilie avec des artistes, poètes et éditeurs : Picasso, Miro, Chagall, Arp, Tapies, Henri Moore, Jasper Johns, Chillida, Ubac, Tal Coat, Manessier,… Jacques Prévert, René Char, Aragon, Jean Laude, André du Bouchet, Yves Bonnefoy, Aimé Maeght, Louis Broder, Pierre Lecuire, etc. En octobre 1983, il complète sa formation générale par un CAP d’électricien – mécanicien – réparateur d’organes, et approfondit ses connaissances graphiques par la pratique de la photocompo sur matériel VIP et MAC. Cette même année, il crée son propre atelier et continue la tradition du métier tout en laissant la porte ouverte à l’esprit contemporain. Il perpétue lettre après lettre, la tradition du livre entièrement composé à la main au plomb mobile en collaboration avec les artistes, les éditeurs et les poètes contemporains, conscients qu’un certain livre pour lequel on ambitionne le Sacré, réclame l’emploi et la mise en œuvre de certains matériaux, caractères, et impose de fait une certaine technique fonctionnant au même rythme que l’homme, capable de l’accompagner avec sensibilité. La technique de la composition manuelle et l’impression typographique, outre la qualité et la définition de la lettre, sont, aujourd’hui encore, les procédés les plus souples face aux techniques les plus modernes. Elles permettent, en effet, entre l’auteur et l’artiste, entre « l’image et le texte », un dialogue sans contrainte pour accompagner la naissance de l’œuvre. En effet, jusqu’au dernier moment et même en cours d’impression, il est toujours rectifier un regret.
François Da Ros continue à défendre et à promouvoir la typographie au plomb mobile – non pas comme un vestige du passé – mais comme point de départ et base de toute culture graphique ou typographique, quel que soit l’outil contemporain que l’on emploiera par la suite. Son incroyable atelier possède plus de 20 tonnes de caractère fondeur, dont pas moins de cinquante-six familles différentes.
En 1991, il crée les éditions Anakatabase avec Martine Rassineux. Il publie le livre inaugural ANAKATABASE, en hommage au Sacré d’avant le Temps du Signe et du Verbe.
En 1998, François Da Ros est nommé Maître d’Art par Catherine TRAUTMANN, Ministre de la Culture. François Da Ros réalise seul dans son imprimerie les diverses phases de la fabrication d’un livre, jusqu’au brochage final et la mise sous étui. Dans la logique de cette continuité et dans la transmission de l’héritage typographique, il édite en 1991 ANAKATABASE. Au-delà du parcours personnel, ce texte révèle, à soi-même, chacun de ceux qui en secret, travaillent dans la joie d’une passion partagée. La typographie, en vingt langues imprimées en rouge et noir fait ressortir les convergences et les permanences du Signe enfouies dans chaque langage, jusqu’à la découverte de l’anakatabasien final, alphabet Sacré du typographe, Signe virtuel avant la lettre en une sourde portée musicale. Egalement lié à la naissance et à la disparition du Signe, le graveur apporte sur dix-huit pages sa contribution à cette mouvance permanente. ANAKATABASE, texte inédit de François Da Ros traduit en 19 langues dont l’ANAKATABASIEN, gravure originale de Martine Rassineux, préface de Patrice Cauderlier, est une édition originale sur papier de Chine. Tirage à 63 exemplaires. La gravure sur papier Japon déploie au verso, sur dix-huit pages, l’empreinte de l’anakatabasien. Composition à la main au plomb mobile.
A l’imprimerie Fequet et Baudier de 1964 à 1978, puis dans mes propres imprimeries à Paris, passage Etienne Delaunay et rue de la Villette, j’ai typographié de nombreux textes de Michel Butor, attentif et ouvert à toute mise en forme. J’ai toujours demandé carte blanche à l’éditeur et à l’auteur quant à la typographie, ce qui n’empêchait pas une grande écoute des désirs de l’auteur, ses suggestions, son ressenti…
Je choisis de vous parler dans ce contexte de la dernière réalisation aux Éditions Anakatabase concrétisée dans le livre « Les Stalactites du Sphinx ».
En 1992, Michel était venu à l’imprimerie chercher ses exemplaires de collaborateur de mon précédent livre, « Le Roi » – dont j’avais écrit le texte et dont il avait fait la préface : une préface dont il avait apprécié, avec sa concentration et sa créativité débordante, l’audace d’une impression typographique en encre rouge !…. Ce jour-là, je venais de ressortir des essais que j’avais faits en 1989 pour le livre « Début et fin de la neige » de Yves Bonnefoy avec des phototypies de Geneviève Asse, édité par Jacques Quentin à Genève : je faisais souvent plusieurs propositions, une plutôt classique et une autre plus dans le risque ! On peut dire que « Les stalactites du sphinx » se profilaient déjà dans mes recherches de « Début et fin de la neige ». J’avais en effet proposé à Yves Bonnefoy un essai typographique en harmonie avec la chute incertaine de la neige, les secousses, respirations et voltiges qu’elle produit. Yves Bonnefoy avait choisi parmi les deux essais proposés, le plus classique, effrayé devant les flocons de lettres ! Il me demanda cependant que cette deuxième proposition figure comme recherche à la fin du livre, ce que j’avais refusé car il ne s’agissait pas d’une fantaisie devant en rester là, mais plutôt d’une provocation peut-être, attendant un texte écrit dans ce sens, qui permettrait d’entrer dans une lecture ralentie, abolissant le temps et permettant d’agrandir l’espace concentré du livre d’artiste. Par ailleurs cette difficulté de décryptage permet de pénétrer l’esprit du texte, de la ligne, du mot jusqu’à sa profondeur, son sens jusqu’à La lettre. Cette lecture renvoie à la lente élaboration du livre : lecteur, auteur, typographe et artiste ensemble cheminent alors au même rythme.
Sans retour d’Yves Bonnefoy depuis la parution de « Début et fin de la neige » en 1989, je réfléchissais à concrétiser ces propositions dans mes éditions, en accord avec Martine Rassineux qui avait fait des essais de tirages d’eaux fortes sur un papyrus aux fibres larges dont la particularité convenait à cette recherche typographique. C’est dans ce contexte que j’ai montré ces essais à Michel Butor en y associant le papyrus, lui proposant une collaboration avec les Éditions Anakatabase, ce qu’il accepta volontiers, me confiant qu’il avait enseigné en Egypte dans sa jeunesse. Comme une évidence, il s’empressa de souligner qu’il lui fallait écrire en fonction de cette lecture qu’offrait la typographie et en liaison avec le papyrus. Dans l’instant « Les stalactites du sphinx » prenaient forme. Michel Butor dans la plus grande humilité accepta ce défi non comme une contrainte mais, avec son génie et son imagination, comme liberté à la naissance d’un texte puissant empli d’images fortes et primordiales. Martine Rassineux qui ne le rencontra qu’une fois le livre terminé, décida de situer sa réponse en rassemblant les éléments constitutifs de sa technique de gravure au sucre, en faisant apparaître des empreintes, l’eau, des inscriptions primitives, une économie de moyen laissant la parole à la typographie et à l’auteur dans un équilibre précaire, afin de ne pas doubler les images nées de l’écriture de l’auteur. Les interventions gravées se situent loin de l’illustration, dans une tension minimaliste confrontée à la fibre et à la typographie dans une incrustation dans la matière tout comme la typographie qui devait éviter une impression plaquée d’encre grasse dans la compensation des irrégularités du papyrus. Aller vers la mémoire du palimpseste était donc l’orientation typographique qu’il fallait trouver. Je me suis orienté vers cette solution : j’ai composé le colophon dans un caractère Inkunabula de très petit corps, interlettré pour que les lettres se séparent comme les grains de sable du désert, se confondant avec les imperfections du papier du Népal.
Ce colophon est imprimé sur papier du Népal : le texte de Michel Butor imprimé sur papyrus est précédé d’un texte d’Epicure imprimé comme le colophon sur Népal. La couleur et l’aspect de ces deux matériaux en permettent des passages subtils. J’ai nettoyé ce papier dans lequel certains grains de pierre ou fibres trop dures peuvent casser la lettre de plomb. Puis j’ai composé le texte de Michel Butor en Inkunabula également dans un corps un peu plus gros, je l’ai ensuite agrandi en photocopie, ce qui en faisait apparaître l’imperfection et l’irrégularité. J’ai ouvert certaines surfaces trop noires dans le titre. Ces photocopies ont ensuite été converties en clichés polymères dont la souplesse pouvait accompagner les irrégularités du matériau. En effet une impression typographique trop parfaite au plomb sur le papyrus n’aurait pu que paraître fausse, les lettres devaient naître du matériau, être elles-aussi fossilisées comme pour braver les siècles passés et à venir, s’accorder à cette matière qui les porte, être en adéquation également avec le sens du texte. Le caractère fondeur Inkunabula de la fonderie Nebiolo à Turin en Italie convenait parfaitement à l’esprit du texte, dans la forme lapidaire et particulière du dessin du caractère avec ses points sur les i, décalés… La présence du caractère d’origine sert au lecteur averti de référence pour pouvoir recomposer la genèse de ce livre, le passage du caractère à son palimpseste. Effectivement, j’aime dans mes éditions qu’un chemin d’énigmes soit sous-jacent, au-delà de la lecture.
Enfin dans le mot Sphinx du titre j’ai repris le Phi grec que j’ai dessiné et que j’avais déjà mis une première fois en œuvre sous une forme différente dans un livre de Pierre Lecuire « Portraits et Autoportraits ». J’aime à tisser des liens entre mes ouvrages, une idée peut ainsi trouver sa réalisation plus poussée un peu plus tard dans le temps.
Michel Butor dans sa grandeur, acceptant le risque inhérent à toute création, a toujours accepté de lâcher prise et d’adhérer à toute suggestion, c’était le partenaire idéal pour développer ce livre jusqu’aux confins du désert au-delà de l’individualisme pour un voyage dans des échanges qui font oublier le travail de chacun, mêlé dans l’unique voix du Livre. Les suites de gravures isolées du texte témoignent du vide et de l’absence que l’artiste doit laisser dans sa création pour donner la parole au texte et à la typographie, et aussi de la force du texte qui confronté à l’image en transforme le sens, interactions multiples tandis que la voix du livre s’élève à l’unisson, tel est pour ma part l’objectif rêvé à atteindre dans chaque ouvrage.
Le livre et l’exposition font de longue date bon ménage. Au-delà de leur exposition dans des lieux de consultation (les bibliothèques) ou des espaces commerciaux (les librairies), les livres jouent un rôle non négligeable dans les expositions, en conservant leur trace sous la forme des catalogues. Davantage, et plus récemment, de nombreuses expositions ont été consacrées à la littérature, avec une place toute naturelle faite aux livres. Actif depuis 2014, littérature mode d’emploi suit l’actualité de ces expositions mettant en jeu la littérature et le livre.
Né en 2010, le projet dont émane ce site web est le fruit d’une rencontre entre musée et université. Il a connu depuis de nombreuses transformations, qui ont donné lieu à une multiplication des rubriques du site et à un élargissement qui s’est traduit en 2016 par la création des RIMELL. Ce réseau de Recherches interdisciplinaires sur la muséalisation et l’exposition de la littérature et du livre se donne pour objectif de fédérer les initiatives de recherche en la matière et d’offrir un espace de dialogue sur ces questions.
Comment ce projet est-il né et quelles ont été les
principales étapes de son histoire ?
C’est ce que je me propose de vous exposer.
Nous sommes en 2012 lorsque a lieu le vernissage de l’exposition Écrivains : modes d’emploi. De Voltaire à BleuOrange : revue de littérature hypermédiatique. Cette exposition, réalisée par Sofiane Laghouati Myriam Watthee-Delmotte et moi-même, accompagnés d’une équipe de chercheurs belges et étrangers, a été mise sur pied au Musée Royal de Mariemont dans le cadre d’un programme de recherche de l’Université de Louvain-la-Neuve (UCLouvain), où j’étais alors en poste. Ce programme entendait montrer de quelle manière les écrivains ne sont pas seulement des individus singuliers auteurs d’une œuvre écrite, mais également des créateurs dont les formes d’expression ont considérablement varié au cours de l’Histoire, ainsi que des figures culturelles représentées et prises en charges par des domaines nombreux et variés : peinture, photographie, télévision, monde politique ou religieux…
Ce projet d’exposition s’est révélé particulièrement enthousiasmant, en particulier parce qu’il nous sortait de notre routine d’enseignants et de chercheurs en nous exposant à un lieu – le musée – différent des salles de cours et de colloque auxquels nous étions accoutumés. Dans le même temps, ce travail nous a demandé un investissement tout à fait considérable car il nous fallait tout découvrir : un nouveau médium (l’exposition), un nouveau lieu (le musée), ainsi que leurs normes et exigences particulières, et tout ce que la mise sur pieds d’une exposition implique, du choix des pièces au vernissage en passant par les demandes d’autorisation ou la préparation du catalogue. Or, rien ne nous avait préparés à cela dans nos formations et parcours respectifs et il nous a dès lors fallu, comme souvent dans ces cas-là, apprendre sur le tas – ce qui n’est pas le pire des apprentissages.
Comme d’autres chercheurs exerçant dans le monde universitaire, nous sommes tenus par l’idéologie qui régit de nos jours le monde académique, en particulier l’injonction consistant à justifier et à « valoriser » le travail que nous réalisons, en particulier en nous adressant à un public plus large que celui des seuls cercles universitaires. Dans un domaine comme celui de la littérature, force est de le constater, les solutions en la matière ne sont pas légion. Contrairement à certains historiens ou spécialistes de la politique, les littéraires ne sont pas si fréquemment invités dans le cadre d’émissions de radio ou télévisées, par exemple pour commenter des questions d’actualité. Aussi, à l’instar de nombre de collègues, nous avons été portés à adopter la formule de l’exposition, de façon d’autant plus naturelle que de nombreux membres de notre équipe travaillaient sur les arts visuels… dont l’exposition est un cas de figure.
Au cours de la réalisation de ce projet, nous nous sommes confrontés à deux écueils. D’une part, la littérature ne s’expose pas aussi commodément que d’autres formes de création, comme la peinture ou la photographie, tout simplement parce qu’elle n’est pas d’emblée faite pour. Aux manuscrits et livres attendus, il convenait d’adjoindre d’autres types d’objets, qu’il nous a fallu rechercher, sélectionner, récolter, et présenter de façon intéressante et attrayante. D’autre part, je l’ai déjà noté, notre formation de littéraires ne nous avait nullement formés à ce type de démarches. Exposer, nous avons eu l’occasion de nous en apercevoir, c’est un métier en soi, ou plutôt un ensemble de corps de métiers – commissaire, conservateur, scénographe… –, dont les interventions se conjuguent selon une temporalité aussi complexe que rigoureuse, avec toutes les difficultés et vicissitudes que cela peut supposer.
La préparation de l’exposition Écrivains : modes d’emploi, qui était une exposition d’une belle envergure – nous avions commencé en voyant grand ! –, nous ayant demandé un temps et des efforts considérables. C’est pourquoi il nous semblait regrettable de voir le fruit de ce travail disparaître à jamais (ce qui est le lot commun des concepteurs d’expositions…). De façon à en assurer la pérennité, nous avons souhaité donner une existence numérique à ce travail. Pour ce faire, nous avons bénéficié du Prix Wernaers pour la vulgarisation scientifique. Cependant, devant l’ampleur du travail que représentait l’élaboration d’un site web destiné à accueillir la version en ligne de l’exposition, et sachant que d’autres collègues, dans la même situation que nous, seraient confrontés à des problèmes de la même nature, il nous a semblé intéressant d’envisager les choses à une plus large échelle, en pensant le site que nous concevions comme une plateforme susceptible d’accueillir d’autres expositions numériques que la nôtre.
Quelques mois plus tard, la première version du site Littératures : modes d’emplois était en ligne. Nous en étions enchantés, mais allions nous confronter à de nouvelles difficultés liées à la relative méconnaissance que nous avions alors de ce qu’impliquait une exposition numérique. La chose tombe sous le sens une fois que l’on s’est confronté à ces questions : dans la mesure où une exposition et un site web sont deux médiums différents, convertir une exposition en exposition en ligne ne va nullement de soit et une telle opération nécessite une adaptation complète, tant de la matière que de la forme de l’exposition. Pour le formuler trop sommairement : c’est une nouvelle exposition qu’il nous fallait façonner. Nous nous en sommes aperçus en tentant l’opération et en nous confrontant aux limites structurelles imposées par l’architecture du site que nous avions élaboré avec ses concepteurs.
Entretemps, notre attention à l’activité d’exposition de la littérature nous a fait prendre conscience de la multiplication des expositions de ce type. Le sujet était passionnant. Dès lors, le site étant disponible, et la conversion de l’exposition tardant à voir le jour, nous avons mis en place un observatoire des expositions, en y publiant des comptes rendus de visites. Après avoir formalisé la philosophie et les principes de ce nouveau greffon de notre projet, L’Exporateur littéraire a été lancé en 2016. Ce carnet de visites a constitué la plus régulière activité du site depuis son lancement et nous a permis de prendre la mesure non seulement du nombre d’expositions constamment organisées – le site a accueilli près de cent comptes rendus d’expositions à l’heure où j’écris ces lignes –, mais aussi de leur extraordinaire diversité, puisqu’on en rencontre aussi bien dans des lieux dédiés à la littérature et aux livres (BNF, Bpi, Fondation Michalski, Fondation Bodmer, IMEC…) que dans des musées d’art contemporain ou de photographie.
Dès lors que le projet s’élargissait à la faveur de la création de L’Exporateur littéraire, d’autres propositions ont vu le jour, qui se sont agrégées progressivement à la plateforme. Ainsi, devant le caractère éphémère de certaines publications – dépliants divers, guide du visiteur… – et de façon à en créer une archive susceptible d’intéresser les chercheurs désireux de faire l’histoire de ces expositions, une section de notre site a été conçue pour permettre de les recueillir sous forme numérisée. Entretemps, une exposition consacrée aux relations de la littérature avec le document dans les années trente avait été montée. Initialement présentée dans la bibliothèque de l’Université de Louvain, elle a été considérablement repensée en fonction des contraintes techniques conséquentes imposées par le site dont nous disposions alors, et qu’il nous a paru opportun de renouveler en profondeur.
À cette époque, le projet prenait progressivement son rythme de croisière et trouvait sa forme. C’est alors que l’opportunité s’est présentée d’élaborer un nouveau site web. Nous l’avons saisie en pensant cette nouvelle plateforme en fonction de nos expériences avec la première et en tenant compte de la manière dont le projet avait évolué chemin faisant. En collaboration avec l’Agence Cible, nous avons œuvré durant plusieurs mois pour parvenir à une nouvelle version du site, dotée d’un design repensé, d’une architecture plus fluide et plus simple d’utilisation, qui est celle dont nous disposons actuellement. Les principales rubriques figurant sur notre précédent site s’y retrouvent : la section consacrée aux expositions, L’Exporateur littéraire, la bibliothèque des catalogues et les parties du site consacrées à l’actualité des expositions et de la recherche. Nous avons en outre créé une nouvelle section, dévolue aux RIMELL, le réseau de recherche qu’il nous a paru indispensable de créer comme la résultante de ce projet et de son histoire.
Fort d’une expérience acquise au fil des ans, nous avons pensé ce réseau comme un lieu à vocation à la fois analytique, théorique et pratique, permettant la rencontre et la collaboration effective d’intervenants issus de deux univers : le musée et l’université. C’est dans cette perspective que nous avons organisé une rencontre inaugurale, à l’École des arts visuels de la Cambre, à Bruxelles, en octobre 2016. Elle nous a permis de réunir non seulement des chercheurs, mais aussi des praticiens de l’exposition, comme des scénographes, ainsi que des artistes, à l’occasion d’une journée durant laquelle nous avons mis en place des ateliers permettant aux participant.e.s de cette rencontre de tous mettre la main à la pâte. Concrètement, il s’agissait de traiter par groupes, tout au long de la journée, un certain nombre de questions que nous avions formalisées au préalable, leur travail étant entrecoupé par des moments de réflexion et des retours d’expérience, avant de donner lieu, en fin de journée, à des restitutions à l’occasion desquelles l’enthousiasme pour cette forme de travail collective et atypique était palpable.
Constatant qu’un nombre significatif de chercheurs travaillaient sur ces questions, souvent de façon relativement isolée, nous avons organisé l’année suivante une journée d’études à la Maison de la francité, toujours à Bruxelles, où nous avons convié certains des principaux chercheurs et chercheuses sur l’exposition de la littérature et du livre dans le domaine francophone. Cette rencontre avait pour ambition de proposer des États généraux de l’exposition de la littérature et du livre. À nouveau, la formule de la journée différait sensiblement de celles que l’on rencontre dans les colloques universitaires, puisque la matinée a consisté en des présentations éclairs par nos invités de leurs recherches sur ces questions – Sofiane Laghouati avait suggéré d’adopter la formule du pecha kucha, qui en a désarçonné plus d’un.e par sa concision (6 minutes 40 secondes/20 slides à raison d’un toutes les 20 secondes) mais s’est révélée extraordinairement propice. En fin de matinée, nous avons identifié des points de convergence permettant, durant l’après-midi, l’élaboration en groupes de projets concrets, notamment de journée d’études.
Enfin, en mai 2019, la troisième journée organisée par les RIMELL s’est concentrée sur un phénomène sur lequel la lecture du livre que notre collègue historienne de l’art Julie Bawin a consacré aux artistes commissaires avait attiré mon attention. Depuis un peu plus de vingt ans, les commissariats d’exposition confiés à des écrivains par des institutions muséales ou des lieux d’exposition se sont en effet multipliés, au Musée du Louvre par exemple. Julie Bawin, Sofiane Laghouati et moi avons réuni à l’occasion de cette rencontre plusieurs de ces écrivains commissaires (Marie Darrieussecq, Caroline Lamarche, Emmanuelle Lambert, Jean-Benoît Puech…), ainsi qu’une représentante de ces institutions hôtesses, en la personne de Dominique de Font-Réaulx (Musée du Louvre). Nous avons échangé avec chacun.e lors d’entretiens à bâtons rompus menés par une poignée de collègues autour des expériences respectives de nos invités en la matière. Nous avons pu filmer ces échanges plus passionnants les uns que les autres et les avons mis à la disposition des personnes intéressées via notre site.
Parallèlement, alors que L’Exporateur continuait de publier de nombreux comptes rendus d’expositions, de nouvelles expositions en ligne ont pu être accueillies sur notre site. Certaines ont été spécialement conçues à cet effet, comme celles consacrée par Sofiane Laghouati à Henry Bauchau, sous la forme d’un epub, ou encore celle portant sur les relations entre le travail de la photographe Ergy Landau et la littérature. D’autres, comme celle réalisée par Anthony Glinoer et Lucie Hotte à propos du marché du livre québécois, résultent d’une exposition initialement présentée sous une forme physique et sont sensiblement repensées en vue de leur version numérique. Ces formules, plus onéreuses sans doute, mais aussi plus souples, et aboutissant à de meilleurs résultats, nous permettent de concevoir une scénographie numérique propre à chaque exposition, selon des normes qui sont celles des lieux d’exposition de nos jours. Plusieurs nouvelles expositions numériques sont actuellement en préparation.
Ces derniers mois ont vu de nouveaux développements faire leur apparition sur le site et dans le programme que se sont donné les RIMELL. Afin de baliser le terrain, et dans le droit fil de l’ambition fédératrice du réseau, Corentin Lahouste et moi, bien aidés par une équipe de contributeurs (Benoît Crucifix, Luca Di Gregorio, Marie-Clémence Régnier, Isabelle Roussel-Gillet & Camille Van Vyve), avons élaboré une bibliographie des publications touchant à l’exposition de la littérature et du livre. L’élaboration de cette liste, mise à disposition sur note site, et dans laquelle nous avons souhaité mêler les travaux universitaires et les publications des professionnels du métier, nous a permis de prendre la mesure, qu’en toute franchise nous n’imaginions pas initialement – de la quantité significative de parutions dans le domaine (l’ensemble faisait, au moment de sa mise en ligne en janvier 2020, par moins de trente pages !), alors même que cette bibliographie n’était pas (et n’est sans doute pas encore) exhaustive…
Les RIMELL ont en outre lancé le projet MELL – Mémoire Expographique de la littérature et du livre –, qui se présente comme un archivage de témoignage sur les pratiques d’exposition mettant en jeu la littérature et le livre. Il repose sur une série d’enquêtes fondées sur des entretiens menés à partir d’un questionnaire préalablement élaboré. Il réunit les témoignages de responsables de lieux d’exposition, commissaires, conseillers scientifiques et scénographes. Ces entretiens sont publiés dans des revues ou sur des sites web spécialisés, ou directement hébergés sur Littératures : modes d’emploi. La première de ces enquêtes, portant sur les lieux d’exposition, s’est dans un premier temps concentrée sur les AML (Archives et musée de la littérature – Bruxelles), avec des entretiens principalement réalisés par Camille van Vyve, avant de s’ouvrir à d’autres institutions, comme la Bpi, la BNF et l’IMEC. D’autres enquêtes sont en cours, notamment sur l’exposition du livre de photo ou encore celle des livres d’artistes…
Le déclenchement de la crise sanitaire en mars a conduit de nombreuses institutions muséales à tenter de préserver autant que possible le contact avec ses publics. Bien des initiatives dans le secteur en sont passées par internet et nous avons souhaité contribuer à cet effort en proposant un répertoire des expositions en ligne. Nous avons pu le réaliser de façon relativement rapide, grâce à une liste initiale établie par Selina Follonier. Dans la foulée, Marcela Scibiorska a pris en charge la responsabilité de la publication de comptes rendus d’expositions en ligne dans L’Exporateur, ce qui nous a permis de découvrir ou de redécouvrir certaines expositions, parfois relativement anciennes, mais qui n’en demeurent pas moins remarquables. Cet élargissement de la palette de L’Exporateur s’est en outre, plus récemment, traduite par l’ouverture d’une rubrique spécialement dévolue à de courts entretiens portant sur des expositions récentes, notamment avec leurs commissaires (par exemple Aurélie Laruelle, directrice de l’Archipel Butor).
S’agissant d’expositions en ligne toujours, parmi celles que nous hébergeons et hébergerons, outre les projets en gestation de plusieurs de nos collègues, j’ai créé à l’Université de Louvain (KU Leuven), où j’enseigne, un nouveau cours de Master. Atypique dans le domaine des études littéraires, ce cours consiste en l’élaboration d’une exposition en ligne avec un groupe d’étudiant.e.s. Conçu en partenariat étroit avec les AML (Archives et musée de la littérature, Bruxelles), ce cours a connu sa première édition l’année dernière, avec une exposition sur les relations entre littérature belge de langue française et radio qui a emporté l’enthousiasme des participant.e.s. L’exposition n’a malheureusement pas encore pu être mise en ligne, en raison de l’impact de la crise sanitaire sur l’organisation de ce cours et son agenda. Pour la deuxième édition du cours, nous préparons actuellement avec des étudiant.e.s particulièrement motivé.e.s, et avec l’aide de Selina Follonier, une exposition portant sur les rapports entre littérature et télévision en Belgique francophone, que nous comptons bien rendre publique avant l’été.
Fruit d’une exposition de 2012, le projet hébergé par Littératures : modes d’emploi a, depuis son lancement, pris des proportions considérables – et largement inattendues au départ, ce qui est plutôt bon signe. J’y vois l’indication qu’un véritable brassement d’idées et d’initiatives, ainsi qu’un authentique questionnement sont à l’œuvre. Il ne se passe pas une année, depuis le lancement de ce projet, sans que de nouvelles collaborations – La Cambre, les AML, l’Art de Muser, le master expographie et muséographie de l’Université d’Artois, et peut-être bientôt l’Archipel Butor ! – et de nouvelles initiatives ne voient le jour et ne viennent enrichir l’espace de connaissance et de partage auquel nous avons pensé pour la première fois il y aura bientôt dix ans.
L’objectif de ce projet depuis son lancement a toujours été de favoriser les échanges afin de mieux comprendre ce qui s’est joué jadis et ce qui se joue, aujourd’hui, dans les expositions qui font la part belle à la littérature et aux livres sous toutes leurs formes. Espace numérique destiné à accueillir des expositions, veille de l’actualité des expositions et de la recherche sur le sujet, lieu de rencontre entre chercheurs, acteurs des musées (commissaires, scénographes, artistes…), le site et le réseau des RIMELL qui lui est associé s’emploient à mettre à la disposition de toutes les personnes susceptibles d’être intéressées par ces questions un outil résolument multifacette, qui tâche de répondre à leurs besoins et à leurs souhaits.
David Martens est professeur de littérature française (XIXe – XXIe siècles) à l’université de Louvain (KU Leuven). Membre fondateur du groupe MDRN (www.mdrn.be), il s’intéresse à la figure de l’écrivain, aux formes de la pseudonymie, à la patrimonialisation et aux autres formes de médiation de la littérature, ainsi qu’aux rapports de la littérature avec d’autres médiums et d’autres types de discours et pratiques, notamment la photographie et l’exposition. Pour la période 2019-2022, il coordonne avec Jean-Pierre Montier, François Vallotton et Galia Yanoshevsky un programme de recherche international consacré au genre du portrait de pays. Commissaire de plusieurs expositions (Musée Royal de Mariemont, Musée de la photographie de Charleroi…), il a fondé, avec Sofiane Laghouati, le réseau des RIMELL (Recherches interdisciplinaires sur la muséographie et l’exposition de la littérature et du livre), ainsi que le site www.litteraturesmodesdemploi.org, qui fédèrent les recherches sur ces questions.
Artiste peintre, graveur et responsable des Éditions de la Margeride, il vit et travaille à Saint Gervasy, dans le Gard. Il est titulaire d’une maîtrise d’Arts plastiques de l’Université de Montpellier.
« Peintre, graveur, cet artiste exigeant et patient comme un vigneron secrètement alchimiste, est aussi éditeur de livres d’artistes, depuis qu’il a créé en 2001 « les Editions de la Margeride », nouant un dialogue exceptionnel avec les poètes, qu’ils soient de réputation internationale confirmée depuis longtemps comme Andrée Chedid, Michel Butor, assurent la relève des premiers par l’ampleur et la qualité de leur œuvre comme Bruno Doucey, Salah Al Hamdani, Sabine Péglion, ou appartiennent à de nouvelles générations plus que prometteuses, comme Felip Costaglioli ou Estelle Fenzy.
Il faut d’ailleurs souligner la générosité avec laquelle, loin de s’en tenir aux poètes consacrés, Robert Lobet sait ouvrir les portes de sa maison à ceux dont la rencontre éveille en lui une résonance suffisamment intime pour que s’éveille et se concrétise le désir d’une collaboration, même si les noms de ses invités sont parfois encore confidentiels. C’est en poète qu’il est lui-même, par le cœur et l’esprit, autant que la création artistique, qu’il sait les reconnaître et engager avec eux le long processus conduisant à la naissance d’un livre. »
Extraits de l’article paru sous la plume de Marc-Henri Arfeux dans la revue Rumeurs n°7, parue en juillet 2020 aux éditions de La Rumeur Libre.
Le travail sur le livre prenait de plus en plus d’importance (À la suite de mes nombreux séjours de travail en Égypte auprès de la Bibliothèque d’Alexandrie). Je faisais des livres-objets, puis des éditions de bibliophilie, souvent en collaboration avec des éditeurs et des imprimeurs d’art, et comme ça n’allait pas assez vite à mon goût, et que je recherchais plus de marge de liberté, de créativité, je suis devenu mon propre imprimeur. Parallèlement je voulais que ces textes magnifiques (ceux de mes auteurs) soient connus et partagés plus largement. Donc j’ai travaillé sur ce concept et j’ai créé la collection « Passerelles », des livres d’artiste, de la meilleure qualité possible et au moindre coût. Certains collègues éditeurs n’ont pas compris au début, maintenant d’autres font de même, car le public apprécie et les auteurs aussi. L’envie de travailler avec des auteurs s’est imposée et a commencé de prendre corps à travers trois auteurs marquants, René Pons, Salah Stétié et Andrée Chedid. Une fois ma timidité surmontée, je me suis rendu compte que ces personnes étaient ravies de travailler avec mes œuvres, et que cela se passait très bien, avec beaucoup de simplicité. La rencontre avec les poètes s’est faite, comme souvent, par des successions de beaux hasards qui ont permis des rencontres souvent décisives : J’ai connu Andrée Chedid par le centre culturel égyptien à Paris, Salah Stétié lors d’une conférence à Rousson, dans le Gard. Il m’a dit : « Revenez demain », je suis revenu ! Butor par des rencontres et des amis, René Pons lors d’une exposition. Beaucoup d’autres lors des festivals de Lodève et Sète, deux festivals auxquels je dois beaucoup ainsi qu’aux organisateurs qui soutenaient mon travail. Et puis, je travaille sans cesse, comme un dingue… » (Blog « La pierre et le sel – Actualité et histoire de la poésie).
« Le principe en est simple : chaque exemplaire, même dit d’édition courante – par contraste avec les tirages de tête – propose des œuvres originales et non de simples reproductions comme c’est souvent le cas dans ce domaine éditorial très particulier, si bien que tout lecteur a la possibilité de vivre une aventure esthétique complète à un prix abordable, les Editions de la Margeride rompant délibérément avec la logique du livre de luxe réduit à un nombre très restreint d’exemplaires – certes le tirage reste circonscrit à une échelle artisanale, sans quoi l’artiste ne pourrait assumer la tâche qu’il se donne, mais il est plus ouvert que ce que ce qui se pratique généralement. Fondé sur le principe de l’intuition révélatrice, le choix de Robert Lobet obéit à une entière liberté qui garantit une cohérence poétique personnelle, mais ne suit pas vraiment une ligne éditoriale fixant d‘avance des critères et un climat d’ensemble. Robert Lobet commente ainsi cette pratique autonome articulée par le dialogue : « J’ai des thèmes en tant que créateur, une sensibilité, des outils techniques, des coups de cœur. Je sens très vite si je dois me lancer dans un projet. A la lecture du texte je sais très vite ce que je peux faire ; parfois ça change complètement en cours de route car j’improvise. Pas de conception bien précise, je laisse venir, je suis ouvert, j’écoute, j’apprends, j’observe et j’essaie d’entrer dans l’univers de l’auteur en lien avec mes propres registres de création et mes techniques. Et si besoin, je m’adapte, privilégiant la relation de confiance, de respect, de qualité. Je donne et je reçois beaucoup. Souvent au bout de quelques lectures je sais « presque » tout ce que je veux ou peux faire : format, images, mode d’impression ».
Extraits de l’article paru sous la plume de Marc-Henri Arfeux dans la revue Rumeurs n°7, parue en juillet 2020 aux éditions de La Rumeur Libre.
J’ai rencontré Michel Butor en 2006 grâce aux auteurs d’un documentaire sur ses livres-objets. Cette thématique ne pouvait que m’attirer. Michel Butor était intéressé par mes contacts et résidences en Égypte où il avait enseigné longtemps auparavant. Notre premier ouvrage en commun fut Les vivants et les morts, paru en 2007. Ensuite ont suivi : L’oiseau dans la tourmente, 2008 (Avec les éditions de Rivière), Le puits des siècles, 2010, Sous-bois, 2013, Paroles Gelées, 2015. Des ouvrages dans des styles très différents, chacun recevant une réponse attentive et adaptée au thème proposé. Pour Paroles gelées, inspirées du Quart livre de Rabelais, j’ai imaginé un livre d’artiste composé avec douze mots représentatifs de l’univers de l’auteur. Exercice délicat dont le résultat est très juste et émouvant, avec seulement douze mots…
A la suite de divers échanges par courrier, le thème étant choisi, Michel Butor envoyait un texte et laissait l’entière liberté de travailler dessus. Je ne me souviens pas, pour aucun de mes livres, avoir indiqué dans quel sens j’allais travailler. Moi-même ne le sachant guère, car c’est en lisant et en s’imprégnant du poème que se construit l’idée de ce que sera le livre à venir. Lorsque j’ai créé Les vivants et les morts, à la réception du texte, j’étais très ému car ce poème restituait à la perfection ce que je venais de ressentir au cours de mes nombreux séjours (une quinzaine) à Alexandrie. A cette époque, en 2006/2007, j’avais l’ambition de réaliser pour chaque livre nouveau, un livre objet, un tirage de tête, et une édition plus modeste, ce qui est devenu plus tard la collection « Passerelles ». Je me suis vite rendu compte que cela nécessitait un travail considérable et j’ai dû renoncer. Je me souviens que lorsque j’ai apporté les livres à signer à Michel Butor, je me suis demandé où il allait installer dans son bureau surchargé de livres, documents et d’œuvres diverses le livre objet que je lui apportais. Il a accepté avec la gentillesse que je lui ai toujours connue mais avant toute chose, il a pris soin d’installer ma fille, alors âgée de 12 ans, à son bureau, avec des feuilles et des crayons, pour qu’elle puisse dessiner et s’occuper pendant notre entretien.
Par la suite, nous avons correspondu au fil des années et des projets, et j’ai reçu les fameuses photos découpées et augmentées d’adhésifs d’électricien avec lesquels il composait ses cartes postales.
Je travaille sur de nouveaux projets de livres d’artiste. Au fil des années le nombre augmente régulièrement, avec des poètes déjà publiés aux Éditions de la Margeride et de nouveaux auteurs dont l’écriture m’intéresse. Les nouveaux livres comportent plus d’images que ceux qui ont précédé. J’éprouve le besoin de me surprendre, de me faire plaisir et de partager cela avec l’auteur et les lecteurs. Je constitue depuis ce printemps si particulier une série de carnets de notes de recherches ou d’ateliers. Comme un besoin de structurer les nombreux travaux qui s’accumulent à l’atelier, les essais, les dessins, et même les macules d’imprimerie car certaines sont très belles et poétiques. Je suis toujours fasciné par la lettre, le mot, le palimpseste des écritures embelli par le hasard des manipulations lorsque j’imprime. En parallèle, je fais de plus en plus de dessins, sur le motif lorsque je suis en voyage, et à l’atelier ; des monotypes, de la peinture. J’essaie de ne pas trop me disperser mais je suis curieux de beaucoup de choses, ces techniques différentes nourrissent mon travail sur les livres, et il y a tant de choses à découvrir.
L’appellation « Village en Poésie » et « Ville en Poésie » est attribuée aux communes qui donnent à la poésie une place prépondérante dans la vie locale et dans la politique culturelle municipale. Les communes doivent répondre à au moins cinq critères, sur une charte qui en comporte quinze. L’appellation est attribuée pour trois années, à l’issue desquelles un bilan détermine le maintien ou non de cette distinction.
L’appellation est attribuée en contrepartie d’un engagement durable et renouvelé de la municipalité qui prendra de nouvelles initiatives poétiques pérennes pour conforter les pratiques culturelles locales. Le Printemps des Poètes encourage vivement les actions allant dans le sens d’une large découverte des voix poétiques (invitations de poètes pour des lectures, rencontres ou résidences ; composition et densification d’un fonds poétique dans les bibliothèques…).
Il accorde aussi une attention particulière aux initiatives accessibles à tous et intergénérationnelles, ainsi qu’à celles qui inscrivent la poésie dans l’espace public (rues ou établissements baptisés de noms de poètes, affichages poétiques…).
C’est en 1989, que Michel Butor s’installe à Lucinges. Entre 1989 et 2016, il écrivit de nombreux textes et plusieurs centaines de poèmes depuis sa maison dénommée à l’Ecart.
Suite à son arrivée et à son contact, de nombreux événements littéraires et poétiques vont voir le jour.
Comptant 1700 habitants, la commune peut aujourd’hui s’enorgueillir d’accueillir sur son territoire :
• Une bibliothèque de lecture publique Michel Butor
• Un café littéraire
• Une association du livre d’artiste 74 Michel Butor
• Des fêtes du livre d’artiste depuis 2010 (8 éditions)
• Un Manoir des livres, bibliothèque patrimoniale dédiée aux livres d’artiste
• Une maison d’écrivain Michel Butor accueillant des artistes en résidence (ouverture octobre 2020)